musique

Beulah - Yoko   

Velocette - 2003

 

 

 

    Evidemment le nom du groupe n’est pas fait pour attirer ceux qui ne connaissent pas cette charmante formation californienne, et qui seront tentés de demander "ha ha ! C’est un groupe ça ? Et comment ça se vomit leur nom ?". "Byoulâ" ça ira très bien, merci pour eux.

 

    Yoko ensuite. Difficile de ne pas s’arrêter dessus : qu’il s’agisse d’un acronyme (d’après l’un morceaux figurant sur l’album, You’re Only King Once), ou d’une véritable profession de foi (d’après Miles Kurosky, leader du groupe, et en substance, Yoko est un titre qui s’impose lorsqu’on veut parler de prises de risques et de courage artistique), ce nom évoque de nombreux souvenirs, bons et mauvais, aux amateurs de la pop sixties à laquelle Beulah se réfère.

 

    Peut-être les Friscoans ont-ils tout simplement voulu signifier par-là qu’ils souhaitaient évoluer, mûrir, laisser de côté l’insouciance qui caractérisait leurs 3 premiers albums. Yoko se démarque ainsi assez nettement de son prédécesseur, le lumineux The Coast Is Never Clear en dépit de son titre, par des paroles plus introspectives et sans complaisance quant elles s’attardent sur les relations sentimentales : " you’re scared and you’re weak and you don’t give a fuck about me" sur Landslide Baby.

 

    Musicalement, le ton est généralement moins enjoué que par le passé : de nombreuses intros vaguement bruitistes et atmosphériques rappellent un peu le Wilco de Yankee Hotel Foxtrot ; le trompettiste a été mis en chômage technique sur la plupart des titres et les chœurs ont été mis en veilleuse.

 

    Pas de panique quand même : Yoko, c’est du Beulah pur jus de la première à la dernière note. Kurofsky, s’il est toujours un interprète un peu limité, possède en revanche une habileté mélodique assez stupéfiante, une science de l’accroche sonore des plus enviables. La seule petite différence réside dans le fait qu’il a cette fois-ci décidé de les mettre en pratique sur des humeurs un peu plus maussades, moins enjouées, moins juvéniles qu’auparavant.

 

    Beulah reste cette formation rare qui sait que la pop est avant tout une affaire d’instants de grâce fragiles et fugaces : le paradis pop n’est pas éternel, c’est ce qui le rend d’autant plus précieux. Me and Jesus Don’t Talk Anymore fait ainsi figure de modèle : le groupe y construit patiemment et durant près de 4 minutes un échafaudage peu conventionnel (pas de refrain à proprement parler), qui monte et monte encore jusqu’à cette harmonie un peu "countrysante" mêlant pedal-steel, piano de saloon et trompette, propre à envoyer même les corbeaux les plus lugubres au 7ème ciel.

 

    Ce sont ces instants-là, certes, ils ne révolutionneront pas notre manière d’envisager la musique du XXIème siècle, qui finissent de faire de Beulah une des formations les plus attachantes et tranquillement talentueuses de notre époque.

 

Laurent