Evidemment le nom du groupe n’est pas fait pour
attirer ceux qui ne connaissent pas cette charmante
formation californienne, et qui seront tentés de
demander "ha ha ! C’est un groupe ça ?
Et comment ça se vomit leur nom ?". "Byoulâ"
ça ira très bien, merci pour eux.
Yoko ensuite. Difficile de ne pas s’arrêter dessus :
qu’il s’agisse d’un acronyme (d’après l’un
morceaux figurant sur l’album, You’re
Only King Once), ou d’une véritable
profession de foi (d’après Miles Kurosky,
leader du groupe, et en substance, Yoko est un
titre qui s’impose lorsqu’on veut parler de prises
de risques et de courage artistique), ce nom évoque de
nombreux souvenirs, bons et mauvais, aux amateurs de la
pop sixties à laquelle Beulah se réfère.
Peut-être les Friscoans ont-ils tout simplement voulu
signifier par-là qu’ils souhaitaient évoluer, mûrir,
laisser de côté l’insouciance qui caractérisait
leurs 3 premiers albums. Yoko se démarque ainsi
assez nettement de son prédécesseur, le lumineux The
Coast Is Never Clear en dépit de son titre, par des
paroles plus introspectives et sans complaisance quant
elles s’attardent sur les relations sentimentales :
" you’re scared and you’re weak and you don’t
give a fuck about me" sur Landslide Baby.
Musicalement, le ton est généralement moins enjoué
que par le passé : de nombreuses intros vaguement
bruitistes et atmosphériques rappellent un peu le Wilco
de Yankee Hotel Foxtrot ; le trompettiste a
été mis en chômage technique sur la plupart des
titres et les chœurs ont été mis en veilleuse.
Pas de panique quand même : Yoko, c’est
du Beulah pur jus de la première à la dernière
note. Kurofsky, s’il est toujours un interprète
un peu limité, possède en revanche une habileté mélodique
assez stupéfiante, une science de l’accroche sonore
des plus enviables. La seule petite différence réside
dans le fait qu’il a cette fois-ci décidé de les
mettre en pratique sur des humeurs un peu plus
maussades, moins enjouées, moins juvéniles
qu’auparavant.
Beulah
reste cette formation rare qui sait que la pop est avant
tout une affaire d’instants de grâce fragiles et
fugaces : le paradis pop n’est pas éternel,
c’est ce qui le rend d’autant plus précieux. Me
and Jesus Don’t Talk Anymore fait ainsi figure de
modèle : le groupe y construit patiemment et
durant près de 4 minutes un échafaudage peu
conventionnel (pas de refrain à proprement parler), qui
monte et monte encore jusqu’à cette harmonie un peu
"countrysante" mêlant pedal-steel, piano de
saloon et trompette, propre à envoyer même les
corbeaux les plus lugubres au 7ème ciel.
Ce sont ces instants-là, certes, ils ne révolutionneront
pas notre manière d’envisager la musique du XXIème
siècle, qui finissent de faire de Beulah une des
formations les plus attachantes et tranquillement
talentueuses de notre époque.
Laurent
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