roman

Virgine Lou - Allegro Furioso

Ed. Joelle Losfeld - 104p, 11€

[5.0]

 

 

Le nouveau roman de Virginie Lou parle de chaos. Chaos socio-politique, chaos sentimental. Ou comment faire fusionner les désordres de l’âme avec la volonté de contrer l’avancée ordonnée du système économique mondial.

 

Ce court livre, dense et poignant, démarre de manière presque impersonnelle, avec la description d’une manifestation altermondialiste à Rome qui tourne à l’émeute, au cauchemar. Au milieu des fumigènes, des cris et des corps, Aurélie cherche son fils Arno. Ils se sont offert un dernier week-end mère-fils dans la ville Eternelle, car Arno part poursuivre ses études de violon au Canada. Ensemble, une ultime fois avant le grand départ, avant le déchirement, le couple presque illégitime s’offre une dernière virée d’abord à Marseille, puis à la frontière italienne, et, enfin, dernière étape sans réfléchir, la capitale italienne qu’ils aiment tant.

 

Et c’est là qu’ils se perdent, au milieu de cette fièvre anti-capitaliste. C’est là qu’Aurélie se rend finalement compte de la passion impalpable, folle, obsessionnelle qui l’anime. Une passion pour son fils qui est toujours resté à ses côtés et qui l’abandonne pour Toronto. Arno avec qui elle a tout partagé et qui la laisse sur le carreau. Et ce week-end romain, cette dernière chance d’être à ses côtés qui vole en éclats quand son fils disparaît, emporté par la foule qui gueule et qui souffre elle aussi.

 

Virginie Lou possède une plume unique. De manière très littéraire, presque maniérée, intellectuelle, elle dissèque parfaitement les tourments qui anime cette mère possessive et aimante quand elle se sent esseulée et en danger. L’écriture est sèche, précise, ardente et très référencée (les passages sur la ville de Rome, sa beauté et ses quartiers pittoresques sont extrêmement bien rendus). On a vraiment l’impression d’être à la fois au cœur de l’âme d’Aurélie, et au cœur de la manifestation qui déborde.

 

Lou manie l’intime et l’Histoire, ancienne (description minutieuse de l’Antique Rome) comme récente (l’altermondialisme), de manière fort habile. A coups de pensées cassées par une phrase brisée, de points de suspension nombreux, de jeux de mots ardus et de phrases en italique, l’auteur déploie un arsenal littéraire stupéfiant, une base impeccable pour un sujet ambitieux, maîtrisé et convaincant. Les dernières pages en particulier, recentrées sur la recherche éperdue du fils et sur le changement brusque des attitudes et des pensées de départ, sont bouleversantes et terriblement émouvantes.

 

Allegro Furioso, qui se conclut par une remise en question des sentiments qui nous anime quand des événements brusques viennent bouleverser l’ordre établi, ose être le roman enfiévré et prenant que nous attendions depuis pas mal de temps.

 

Jean-François Lahorgue

 

Date de parution : février 2007

 

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