Antonia
Bellivetti a 13 ans. Elle vit avec sa sœur Boulimi à Parcelles, dans la banlieue parisienne. Ses préoccupations sont
celles d’une adolescente : quelle rime
trouver pour achever le poème débile demandé par
Madame ? Quand arrivent les vacances ? Que
fait Luc, le frère de sa copine Isabelle, dans les
caves de la Cité Michel-Foucault ? Est-ce que
le fait de réunir huit cents bouchons permet
vraiment à des enfants de partir à la mer ?
Comment rassurer une copine qui se découvre
lesbienne ?
Apparemment,
après huit livres défiant les classifications, Nathalie
Quintane a bel et bien écrit un roman. "Comme
chaque dimanche matin, ainsi que chaque samedi
matin, chaque mercredi matin, Antonia Bellivetti
s’était levée vers onze heures. Enfin plutôt
onze heures trente. Disons 11 :45."
Le ton est donné dès la première phrase : ce
"roman" ne ressemblera à aucun autre. Nathalie
Quintane se joue des formes éprouvées du
roman pour la jeunesse en les décapant comme
le regard qu’elle porte sur notre monde.
L’univers de "Buffalo Budget", le jeu
vidéo auquel s’entraîne l’héroïne a la même
réalité que celui qui l’entoure. Le seul moyen
de retrouver un moment « la
mémoire qu’il avaient d’eux-mêmes à cinq ans,
six ans, quand les journées étaient sans horloge,
toujours longues, toujours prêtes à plusieurs vies"
est de caillasser des voitures depuis un pont. La
maturité s’affirme à travers le choix de la
marque de ses chaussures de sport
et les conversations trouvent leurs répliques
dans les bribes du Loft et autres Buffy
contre les vampires. Classer les endroits où on
s’ennuie le plus, marcher en faisant des détours,
attendre l’explosion "du
dernier poisson pané surgelé du dernier des congélateurs"…
Un séjour à la Souterraine, village de la Creuse,
ne que souligner le point commun entre la banlieue
et la petite province : "ce
sentiment qu’on ne pouvait pas en sortir".
Les discours des délégués syndicaux ou les récitations
altermondialistes de la copine se noient dans les
sigles ou les marques qui sont les seules balises. "Le bleu des Bounty, le rouge du Coca, le jaune des Corona, le vert des
Kro, le brun des brunes et les pastilles
multicolores des M&M’s. Elle se demanda de
quelle couleur avait bien pu être le monde avant."
La vision proposée par Nathalie Quintane refuse la
complaisance de la noirceur comme celle de la
nostalgie moralisatrice. A grands coups d’humour féroce
– on rit très souvent à la lecture de ces pages
jubilatoires – elle tient à distance les banalités
sociologisantes qui font l’ordinaire du roman.
L’ironique empathie dont elle ne se départit
jamais parvient à dire notre monde avec une
enivrante acuité.
JC
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le
site de l'éditeur
Les
premières pages du roman
L’année
de l’Algérie, un autre texte écrit par Nathalie
Quintane cette année est lisible intégralement
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