roman

Karine Fougeray - Elle fait les galettes, c’est toute sa vie

Editions Delphine Montalant  - 104p, 14€ - 2005

[3.0]

 

 

    Le premier livre de Karine Fougeray, graphiste parisienne revenue dans sa Bretagne natale, est un recueil de quatorze courtes nouvelles dont la seconde donne son titre à l’ouvrage. Elles ont en commun de se passer en Bretagne et la mer rebelle, qui peut tout emporter, y est omniprésente.

 

    La mamie qui fait les galettes tous les vendredis pour sa famille décide un jour de quitter la maison, de ne plus croire en Dieu et de se réfugier dans une maison de retraite. Plus loin un couple de vieux sur la plage ne se préoccupe plus que des enterrements de leurs connaissances. Un homme dont le couple bat de l’aile s’est mis à la pêche pour épater sa compagne mais il se révèle un piètre pêcheur. Une mère endormie sur une plage fait l’horrible cauchemar de la disparition de ses deux petites filles. Le stage de voile d’un chef d’entreprise supportant mal la prééminence du moniteur se termine très mal. Une jeune femme de retour d’Asie pour l’inhumation d’une amie découvre la tromperie dont elle a été l’objet inconscient

Il y est toujours question d’inadaptation, de sentiments de ne pas être à sa vraie place, du temps qui passe et qui érode les relations. En quelques lignes d’une écriture simple et touchante, Karine Fougeray ancre ses historiettes dans la réalité, sublimées par une touche de poésie marine et d’humour décalé.

 

    Deux nouvelles sont un peu plus longues et divisées en sous-chapitres.

La première, Les bonnes, conte le destin de trois sœurs devenues servantes dans des maisons différentes. Chacune connaîtra un destin particulier, cocasse ou tragique, sans jamais revoir les deux autres. Des vies d’échec, de désillusions ou d’attente sont ici brossées avec tendresse et vivacité.

La seconde, Comment ne pas perdre la tête, variation sur la chanson Les amants de Saint-Jean, clôture le recueil et est la plus belle, parce que la plus simple et la plus universelle, contant en trois parties une histoire d’amour avortée. Un accident stupide, un jeune homme impatient qui prend le large et ce sont deux existences brisées et vides dans le souvenir émouvant et inaltérable de leur émoi adolescent. On en ferait un film de deux heures romantique et mélodramatique à souhait ; Karine Fougeray dit tout en à peine vingt pages et c’est parfait.

 

    Delphine Montalant avait découvert il y a quelques années Jean-Philippe Blondel en publiant son premier livre Accès direct à la plage, livre choral qui entrecroisait le destin d’une vingtaine de personnes sur leurs lieux de villégiatures.

Ces deux auteurs partagent le sens de l’observation des autres et la capacité à narrer leurs vies en fragments constitués de mille petits riens.

La délicatesse de Karine Fougeray insuffle à son premier livre qui sent bon l’iode et les embruns humanité et panache. Une jolie découverte.

 

Patrick Braganti

 

Date de parution : février 2005

 

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