Le
premier livre de Karine Fougeray, graphiste
parisienne revenue dans sa Bretagne natale, est un
recueil de quatorze courtes nouvelles dont la
seconde donne son titre à l’ouvrage. Elles ont en
commun de se passer en Bretagne et la mer rebelle,
qui peut tout emporter, y est omniprésente.
La
mamie qui fait les galettes tous les vendredis pour
sa famille décide un jour de quitter la maison, de
ne plus croire en Dieu et de se réfugier dans une
maison de retraite. Plus loin un couple de vieux sur
la plage ne se préoccupe plus que des enterrements
de leurs connaissances. Un homme dont le couple bat
de l’aile s’est mis à la pêche pour épater sa
compagne mais il se révèle un piètre pêcheur.
Une mère endormie sur une plage fait l’horrible
cauchemar de la disparition de ses deux petites
filles. Le stage de voile d’un chef d’entreprise
supportant mal la prééminence du moniteur se
termine très mal. Une jeune femme de retour d’Asie
pour l’inhumation d’une amie découvre la
tromperie dont elle a été l’objet inconscient
Il
y est toujours question d’inadaptation, de
sentiments de ne pas être à sa vraie place, du
temps qui passe et qui érode les relations. En
quelques lignes d’une écriture simple et
touchante, Karine Fougeray ancre ses
historiettes dans la réalité, sublimées par une
touche de poésie marine et d’humour décalé.
Deux
nouvelles sont un peu plus longues et divisées en
sous-chapitres.
La
première, Les bonnes, conte le destin de
trois sœurs devenues servantes dans des maisons
différentes. Chacune connaîtra un destin
particulier, cocasse ou tragique, sans jamais revoir
les deux autres. Des vies d’échec, de désillusions
ou d’attente sont ici brossées avec tendresse et
vivacité.
La
seconde, Comment ne pas perdre la tête,
variation sur la chanson Les amants de Saint-Jean,
clôture le recueil et est la plus belle, parce que
la plus simple et la plus universelle, contant en
trois parties une histoire d’amour avortée. Un
accident stupide, un jeune homme impatient qui prend
le large et ce sont deux existences brisées et
vides dans le souvenir émouvant et inaltérable de
leur émoi adolescent. On en ferait un film de deux
heures romantique et mélodramatique à souhait ;
Karine Fougeray dit tout en à peine vingt
pages et c’est parfait.
Delphine
Montalant
avait découvert il y a quelques années Jean-Philippe
Blondel en publiant son premier livre Accès
direct à la plage, livre choral qui
entrecroisait le destin d’une vingtaine de
personnes sur leurs lieux de villégiatures.
Ces
deux auteurs partagent le sens de l’observation
des autres et la capacité à narrer leurs vies en
fragments constitués de mille petits riens.
La
délicatesse de Karine Fougeray insuffle à
son premier livre qui sent bon l’iode et les
embruns humanité et panache. Une jolie découverte.
Patrick
Braganti
Date de
parution : février 2005
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