La disparition, il y a dix ans, du compositeur américain
Frank Zappa né en 1940, est marquée par la
publication de dossiers spéciaux : Jazz
Magazine, Recording Musicien et particulièrement
du DVD Baby Snakes. Ce DVD comprend trois heures de musique et diverses
bizarreries visuelles. La dimension musicale de Frank
Zappa a par ailleurs été traitée, à travers
de nombreuses biographies françaises et
anglo-saxonnes. Peu d’auteurs ont, en revanche,
abordé la question politique qui traverse toute
l’œuvre de ce musicien admiré autant par Matt
Groening que Salman Rushdie. Cette
question de l’engagement est cependant cruciale,
lorsque l’on sait que Zappa fut l’un des
premiers à dénoncer la violence policière contre
les émeutiers d’un quartier Noir de Los Angeles,
en 1965. L’album
Freak Out !
(1966)
souligne cette prise de position en même temps
qu’un numéro de l’Internationale
Situationniste, tandis qu’’il était jugé
anodin par le reste du monde.
Guy
Darol a dirigé la revue Dérive,
dont l’intitulé n’est pas qu’un clin d’œil
à la cause situationniste. Il a aussi collaboré à
Libération
puis au Magazine Littéraire. Il
est auteur de romans, de nouvelles, de prose
poétique. Il s’est fait une spécialité dans
l’attention qu’il porte aux « singuliers »
de la littérature : Joseph Delteil, André
Hardellet, Luc Dietrich, Stanislas Rodanski …
une dizaine d’ouvrage en carte de visite, quand il
s’attaque à la biographie de Zappa, qu’il
adule. A
ce jour, Guy Darol a publié trois ouvrages
(parus au Castor Astral) sur le guitar hero.
Dans son dernier ouvrage, il souligne les liens
entre l’univers de ce compositeur influencé par Varèse,
Stravinski, Spike Jones et la culture Dada.
Il expose aussi avec beaucoup de clarté et d’érudition
la filière bruitiste dont résulte l’œuvre de
cet an-artiste.
Mais Frank Zappa ou l’Amérique en déshabillé est surtout le portrait
d’un musicien comparé à King Kong (l’un
de ses morceaux se nomme ainsi), animal traqué par
l’industrie discographique, les ligues de vertu,
les télévangélistes.
Dans un style virulent, qui semble apprécier les
phrases piquantes d’un Léon Bloy, Guy
Darol expose les combats de ce libertaire méconnu
contre « l’hydre » Amérique.
Il y montre par ailleurs la solitude d’un
militant face aux apôtres de la censure. Il
rappelle que Zappa a tenu tête aux partisans des
stickers « Explicit Lyrics »,
autocollants apposés sur les albums et vidéos afin
de signaler aux acheteurs que certains produits
peuvent être néfastes. Darol raconte
comment il fut approché en 1988 par les Libertariens
pour courir les Présidentielles. Il narre comment
il envisagea de se présenter à la candidature pour
les élections de 1992 mais fut fauché dans son élan
par un cancer de la prostate. Etc etc. On en passe
et d’aussi intéressantes.
Ce livre assez somptueux par la finesse de l’écriture
et la qualité des recherches,
démontre au-delà de la vie de Zappa,
que finalement que l’Amérique ne parle pas à
l’unisson. On y connaissait le travail critique de
Noam Chomsky, et plus récemment celui de Michael
Moore. Voici désormais révélé le
militantisme d’un Frank Zappa, réputé
guitariste et loufoque. Il est temps de redécouvrir
ce redoutable activiste. Et de se faire une idée
personnelle sur un courant de pensée affleurant des
eaux américaines si unies en apparence et dans
certains discours.
Jezebel
Boy
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