"…cette
chanson était la tienne…" pourrait
murmurer chacun des protagonistes aux autres
personnages du dernier roman de
Dominique Mainard, fait de
rencontres, de liaisons, de croisements, de pertes
et de retrouvailles. Mais c’est avant tout une
histoire de femmes : celle de Julide, jeune
fille de 16 ans issue d’un parent étranger et
attendant un mariage de raison imminent et un retour
« au pays » forcé, sa tante Albanala,
voyante, qui préfèrera rapidement l’exil en
terre d’origine que la survie dans un pays
qu’elle n’aime pas, et Mado, amie de Albanala,
vieille dame esseulée et discrète, qui se
liera fortement d’amitié avec Julide après le départ
de son amie. Mais l’arrivée dans leur ville
d’un étranger, taciturne et mystérieux, va peu
à peu modifier la donne, et tirailler les deux
femmes entre l’amitié, l’amour, le désir ou le
renoncement….
Présenté
ainsi, Je
voudrais tant que tu te souviennes
pourrait ressembler à une de ces innombrables
histoires sentimentales un peu mièvres et
convenues, un des ces plates sagas passionnelles qui
ennuient rapidement même les lecteurs les plus
indulgents…mais c’est sans compter sur le délicat
talent de l’auteur qui relève la gageure de
rester passionnante en déroulant son histoire par légères
touches poétiques, préférant effleurer ses
personnages plutôt que de les mettre à nu. De
sorte qu’à aucun moment, les personnages ne nous
semblent déjà vus et stéréotypés, puisque l’écriture,
toute en nuances, esquisse à peine des portraits émouvants
et attachants.
C’est
un livre extrêmement pudique, qui parle de
sentiments durs et terribles avec une sensibilité
assez rare de nos jours, où l’écriture épate-bourgeois
est le plus souvent de mise. Dominique Mainard fait vibrer ses personnages de manière infime
mais intime, colle au plus près de leurs émotions
tout en laissant planer le doute, le mystère,
l’impression de diffus…de sorte que l’on est
plus proche du conte, de la fable métaphorique que
du roman sentimental classique.
Un
beau livre, doux et mélancolique, précieux dans sa
multitude de détails touchants, comme ces clichés
pris de très près par Mado, qui tente de « déceler
la beauté de notre monde » dans des bouts de
rien.
Jean-François
Lahorgue
Date de
parution : 11/01/2007
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