Dans
Insecte, Claire Castillon dépliait
avec talent l’art de la nouvelle et explorait les
relations mère-fille à travers des récits courts
et denses, toujours cruels et mordants. Avec On
n’empêche pas un petit cœur d’aimer,
Claire Castillon récidive dans le même genre littéraire
en visitant dans ces nouvelles un autre couple :
le couple amoureux que forment l’homme et la
femme.
Comme
pour son précédent recueil, Claire Castillon
parvient à construire des nouvelles finement ciselées,
presque fascinantes. En trois pages, un univers est
édifié, une voix prend la parole et on entre
d’emblée dans un monde. Chacune des nouvelles
finit brusquement, dans une chute souvent
inattendue, et presque toujours monstrueuse. Le
dialogue intérieur est habilement maîtrisé et en
lisant ces récits souvent écrits à la première
personne, on a l’impression d’être dans la tête
du personnage-narrateur et d’entrer, par le simple
pouvoir des mots, au bord de sa folie.
La
force littéraire de la novelliste est
incontestable. Mais après avoir lu ce recueil de
nouvelles, je me suis sentie un peu mal à l’aise.
A travers ces 23 nouvelles, l’amour semble se réduire
à deux petits mots, d’un pessimisme radical :
folie et cruauté. Les personnages – hommes ou
femmes (aucun parti pris féministe ou au contraire misogyne)
– sont tous aussi infects les uns que les autres :
lâches, hystériques, sadiques, masochistes,
jaloux, désabusés… c’est une bien triste
condition humaine qui est dessinée dans cet
ouvrage. Dans chacun de ces récits, l’amour est
un aveuglement de la raison qui fait perdre les êtres
dans la folie la plus égoïste. « Il n’y a
pas d’amour heureux », dit le poète. Il
n’y a pas d’amour équilibré, semble vouloir
nous dire Claire Castillon. Ses personnages sont
tous sur le point de basculer – voire ont déjà
sombré de l’autre côté, du côté obscur de la
folie. Un homme met une muselière à sa femme pour
la faire taire, une autre femme passe son temps à
prendre soin amoureusement d’un mari qui la trompe
sans vergogne, une femme prépare des gâteaux à la
mort-au-rat à son mari violent… Quelle vision
Claire Castillon a-t-elle de l’amour et du couple
pour imaginer des scènes aussi féroces ?
Ce
petit livre se lit vite. Peut-être trop vite. 15
jours après sa lecture, il m’est difficile de me
souvenir avec précision de chacune de ces
nouvelles, tant elles se ressemblent toutes par leur
absolue radicalité. Et si l’amour était autre
chose que cette répétition atroce de la folie
humaine ? C’est cette possibilité que
j’aurais aimé voir abordée dans quelques unes de
ces nouvelles...
Céline
Lavignette-Ammoun
Date
de parution
: janvier 2007
Plus+
Un
assez long extrait d’une nouvelle
Le
site (non officiel) de Claire Castillon
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