Le créneau d'Arnaud Guillon c'est de jouer
la carte nostalgique, et de là à basculer dans la
mélancolie on n'est pas loin ! Arnaud Guillon se
berce d'une période qui n'est plus et souvent ses
personnages sont autant d'êtres déboussolés par
le temps qui passe et par les souvenirs d'un passé
proche qui revient par vagues dans les mémoires.
Dans ce quatrième roman, Près du corps,
l'action se passe dans une villa en bord de mer où
Daddy vient de mourir. Daddy, c'est le grand-père
de 91 ans qui résidait dans cette grande maison
depuis des années, où se réfugiaient enfants et
petits-enfants pour les vacances. Le narrateur, et
observateur de ces instants, est Jacques, l'aîné
des petits-fils. Il a la quarantaine, il est médecin,
marié à Cécile et papa d'une petite Juliette.
Dans cette grande maison aux volets fermés pour préserver
de la chaleur, toute la famille tourne en rond. Dans
le bureau, repose le corps de Daddy. Et dans le
silence de cette maison, Jacques se souvient de ce
grand-père exceptionnel, de la grand-mère décédée
quelques années auparavant, et se rappelle aussi
ces moments merveilleux qu'il passait avec ses
cousins. Passé et présent se chevauchent,
poussivement presque. Chaque personnage semble
vouloir se libérer d'un souvenir du passé - une
liaison, une rencontre, une dispute... Dans le prélude
des funérailles, ils éprouvent tour à tour cette
indicible tristesse d'un chapitre qui se termine,
d'une page qui se tourne et d'une nouvelle ère qui
commence. Les jeunes insouciants d'hier sont désormais
des parents respectables ou des êtres déroutés,
l'album des souvenirs ne s'avère pas toujours
guilleret à feuilleter.
Près du corps est un
roman dans l'intimité d'une villa près de la
plage, loin des cris des baigneurs ou des corps qui
brûlent sur le sable. "Près du corps" a
l'odeur d'eau de cologne retrouvée au fond d'un
placard, ou le bruissement du vent dans les arbres,
des mots qui se chuchotent, des confessions qu'on dévoile
une première et dernière fois. C'est un univers
clos, un microcosme rempli de photos jaunies, de
rires d'enfants et de sanglots étouffés. Une très,
très belle lecture !
Stéphanie Verlingue
Date de
parution : 6 janvier 2005
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