roman

Lydia Flem - Comment j'ai vidé la maison de mes parents  

Le seuil - 2004

 

 

 

    Voici un petit livre monacal, d’une simplicité déroutante, et qui sait pourtant parler avec beaucoup de justesse et de sensibilité de la difficulté à vivre un deuil. Lydia Flem, psychanalyste et  auteur à ses heures de livres sur Freud ou Casanova, raconte ainsi tout simplement ce qui se passe, ce qui se vit… quand on est amené, après un décès, à vider la maison et les affaires personnelles d’un être cher. Acte qui n’est pas anodin puisque faisant remonter à la surface non seulement le passé, mais toutes sortes d’émotions, y compris les plus ambivalentes. « L’héritage n’est pas un cadeau. Comment recevoir des choses que l’on ne vous a pas données ? »

 

    C’est autobiographique puisqu’elle a été amenée à vider, elle, la maison de ses parents, après leur décès à plusieurs mois d’intervalle. Et pourtant, au-delà de son histoire personnelle, elle sait ramener tout cela à quelque chose d’universel, qui concerne tout un chacun ! Difficile, en effet, de ne pas se reconnaître à certaines pages… de ne pas être frappé par la justesse des sentiments complexes qui sont ici décrits sans complaisance, sentiments où se mélangent « rage, oppression, peine infinie, irréalité, révolte, remords, étrange liberté… ».

 

    « Rien ne nous est indifférent dans la maison de nos parents ». Et le fait de toucher ces objets qui portent parfois le poids de toute une histoire, de décider d’en garder certains, d’en jeter d’autres, tous ces gestes banals et apparemment insignifiants reflètent bien des choses, sont porteurs de bien de traces inconscientes, qui se transmettent parfois de génération en génération… « Les choses ne sont pas seulement des choses, elles portent des traces humaines, elles nous prolongent. » Et ce travail de deuil, ce « travail du vide » comme dirait Freud que l’auteur cite à plusieurs reprises, ne se fait jamais simplement. Et nécessite du temps, et une lenteur qui s’accommode parfois mal avec les urgences du quotidien et de la vie qui continue, elle.

 

    A travers son histoire, Lydia Flem parle aussi, l’air de rien, de cette deuxième génération de juifs, celle dont les parents, comme les siens, sont des anciens rescapés de camps nazis, et qui ont continué à vivre (survivre) en ne voulant surtout pas évoquer ces traumatismes terribles. Refuser de dire l’indicible, préférer se taire en pensant préserver ainsi ses enfants. Cette génération donc qui, comme elle le précise, « doit se battre pour vivre en son nom propre, pour vivre sa propre histoire… loin de leur mémoire traumatisée ». Poids du secret, des non-dits, des silences qui pèsent plus encore lors de la période de deuil, et qui remontent parfois avec une grande violence. « Ce que je savais, je ne pouvais pas le savoir, ils n’avaient pas voulu que je le sache. C’était un savoir interdit. Entaché d’horreur, de honte, de déni, un savoir saisi dans la glace, pétrifié. » L’écriture fait ainsi office de thérapie, comme le précise Primo Lévi qu’elle cite : « j’écris ce que je ne pourrais dire à personne ».

 

    Très joli livre donc, tout à la fois grave et parfois drôle, au style épuré, porteur d’une émotion pudique et d’une beauté noire, et qui reste longtemps en mémoire. Livre aussi à offrir à un proche en période de deuil, car il exprime simplement ce qu’il est parfois très difficile à faire passer.

 

Cathie