Parce que l’action se déroule dans une île
grecque, probablement Mykonos, en plein été, parce
qu’il y est question de drague et de rencontres
frivoles, on serait tenté de considérer le premier
roman de Véronique Goavec avec légèreté
ou peu d’intérêt. A tort, car Corps
insulaires mérite mieux qu’une lecture
approximative. Le décor paradisiaque et
l’apparente superficialité des personnages
n’enlèvent rien au déroulement tragique de
l’histoire, et à ses conséquences sur la vie même
de ces derniers.
En effet, Véra lesbienne affranchie partie
rejoindre son ami Guillaume lui-même homo qui lui a
proposé un hébergement dans la maison de Louis,
son frère alcoolique et catholique, pense profiter
pleinement des possibilités offertes par l’ île.
Hélas, tout ne se passe comme prévu :
d’abord Louis, renfermé et ronchon, macho avec sa
jeune femme Pilar, réserve un accueil mitigé à Véra.
Ensuite celle-ci après une aventure avec une Américaine
se lasse vite des plaisirs artificiels et ambitionne
de rejoindre le groupe des Américaines dans une
autre île. Alors que les deux frères quittent la
maison pour un congrès d’ archéologie, Véra
voit soudain ses projets contrariés par Pilar,
nettement moins sauvage et timide qu’en présence
de son mari.
Véronique
Goavec, jusqu’ ici réalisatrice de décors de
théâtre et d’ opéra, livre un premier roman
frais qui balaie énergiquement les idées reçues
et revitalise l’ effet de surprise. Ou comment une
chose arrive quand on ne l’attend pas. Elle prône
ainsi une certaine idée de la curiosité et du
refus de l’a priori.
Le
roman évoque aussi en filigrane la liberté toute
relative de la minorité gay, même dans une île
dont les opportunités lui sont entièrement dédiées.
Ce qui n’ induit pas forcément le consentement
tacite des autochtones, comme le groupe d’amis de
Pilar notamment.
A quelques semaines de l’été et des vacances, ce
court récit peut constituer un moyen d’attente
tout à fait agréable. Malgré un début très
convenu, dans lequel l’ auteur ne nous épargne
pas les clichés présentés dans un style peu
emballant – la syntaxe mise à mal avec le mélange
perpétuel du présent et de l’ imparfait - , Corps
insulaires, lorsqu’il prend son envol avec la
relation entre Véra et Pilar, devient plus séduisant.
Parce qu’il révèle une Véra beaucoup moins
attendue et superficielle, qui accepte d’ être déstabilisée
et d’ ouvrir son âme. Et par là-même une jeune
auteur acerbe et percutante, observatrice lucide et
amusée de la nature humaine.
Patrick
Editions
Labor
Quai
du Commerce, 29
1000
Bruxelles
Site :
www.labor.de
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