roman

Clare Morrall - Couleurs 

Éditions Fayard- 395p.

[4.0]

 

 

Kitty a trente-deux ans, elle est mariée à James qui vit dans l'appartement voisin du sien. Kitty lit des livres pour enfants et envoie ses commentaires aux maisons d'édition. Mais des enfants, Kitty souhaiterait aussi en avoir, pour combler le vide en elle. Après la perte de son petit Henry.
Tout dans son existence tourne autour du silence, du non-dit. Sa mère est morte tragiquement alors qu'elle n'avait que trois ans. Elle a grandi seule, entre quatre grands frères protecteurs et un père peintre fou, déconnecté des tâches quotidiennes. Dans cette maison où elle a passé son enfance, nulle trace de sa maman. Personne non plus n'est capable de lui en parler véritablement. Chacun élude le sujet, à sa façon.
Mais le manque de souvenirs peut-il construire et aider à grandir ? Difficilement. Kitty se voit comme une "enfant perdue", comme dans Peter Pan. Le flou autour d'elle la rend de plus en plus fragile et à fleur de peau. Son attitude infantilisante frise l'aliénation, pressentant le pire à venir.
C'est vrai que cette montée du délire paraît gênante et agaçante pour le lecteur. Kitty agit de manière irréfléchie et irresponsable, mais d'un autre côté elle s'avère si attachante et déboussolée. Ses hauts et bas donnent le tournis, pressant d'en savoir plus pour connaître l'issue de sa névrose. C'est d'ailleurs presque inévitable. J'ai cependant beaucoup aimé ce portrait de famille, bancal et troué, et le personnage de Kitty Wellington, avec son gentil et dévoué mari, son existence en pagaille, son déséquilibre, sa souffrance et ses blessures refoulées. C'est difficile d'en vouloir à Kitty. Son histoire est déjà basée sur des mensonges, sensés la protéger, mais c'est tout le contraire. J'ai beaucoup aimé ce roman qui va m'accompagner encore pendant quelques temps. Fragile, sensible et poignant.

 

* Ce roman a figuré sur la liste finale du Booker Prize mais a "perdu" face au roman de DBC Pierre "Le Bouc Hémisphère", lequel m'a franchement désappointé. *

 

Stéphanie Verlingue

 

Date de parution : 15 décembre 2005

 

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