Arnaud Cathrine, à travers sa littérature, à
travers les quelques romans publiés depuis les Yeux
secs en 1998, a toujours su évoquer, avec un certain
talent et une écriture franche, des relations
familiales, fraternelles ou filiales ainsi que tout
le lot de douleurs qui les accompagnent souvent.
Dans Exercices de deuil, comme dans ses précédents
romans, il met en scène des personnages qui doivent
surmonter l’épreuve de la douleur liée à la séparation.
Ici encore, il les raconte de manière simple pour
des vies qui, parfois, ne le sont pas.
Exercices de deuil se compose de deux histoires,
deux nouvelles pourrait-on dire, qui ont pour point
commun la mise en abîme de deux personnages perdus
dans une grande métropole, isolés, et chacun
devant faire face à une forme de solitude de
laquelle ils tentent de s’extraire. Deux récits,
à la fois simples et compliqués, pour un roman
bouleversant et plein de mélancolie diffuse.
Dans le premier récit, on découvre
Kaspar, comédien à Berlin, qui s’adresse sous la
forme d’une lettre à son ami Roman qui a quitté
la ville suite à une dispute avec son père pour
d’obscures raisons de choix artistiques. En se
souvenant des moments passés ensemble, Kaspar
s’interroge et ne comprend pas vraiment la fuite
de son ami/amant, cherchant une raison valable pour
pouvoir oublier cette ombre qui le hante encore,
cinq ans après. Imaginant notre héros perdu dans
un Berlin glacial et déshumanisé, on parcourt ce récit
touchant et plein de mélancolie douce amère qui
n’est pas sans nous rappeler les ambiances des
romans de Patrick Modiano où le
questionnement sur le passé des personnes occupe là
aussi une place centrale.
Dans le second récit, à Philadelphie,
on fait connaissance avec un adolescent, Andrew, qui a quitté sa
petite amie Kathryn, qui se trouve en rupture de
dialogue avec ses parents et trouve refuge chez un
couple d’homosexuels, Devin et Graham, chez qui il
habite provisoirement. Dans cette deuxième partie,
ce sont les relations familiales qui semblent être
au cœur du récit, avec en point d’orgue le
passage de l’adolescence à la vie d’adulte. Ce
passage délicat où il faut envisager des
perspectives d’avenir, ce que semble refuser
Andrew pour mille raisons. Plus qu’un jeune adulte
désorienté, préférant servir dans un bar plutôt
que d’aller étudier, Andrew se cherche, tente de
s’affranchir du poids des autres, des valeurs
familiales. Et d’ailleurs ce n’est pas un hasard
s’il va chercher une forme de liberté chez ce
couple homo, au demeurant libéré et sympa à l’écoute
de ses problèmes.
A travers ces deux moments de
vie, à deux endroits de la planète, mais tous deux
situés dans une grande ville occidentale, Arnaud
Cathrine nous raconte deux personnages différents par bien des
aspects mais semblables par cette quête de soi, ce
besoin de se libérer des autres, de se construire
à soi pour trouver son chemin.
Dans un style épuré, simple et direct, faisant la part
belle aux dialogues et aux échanges entre les
personnages, Arnaud Cathrine nous offre un
roman moderne, bien encré dans notre société et
dans lequel chacun pourra y retrouver un peu soi.
Benoît
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