roman

Arnaud Cathrine - Exercices de deuil     

Editions verticales - 2004

 

 

 

    Arnaud Cathrine, à travers sa littérature, à travers les quelques romans publiés depuis les Yeux secs en 1998, a toujours su évoquer, avec un certain talent et une écriture franche, des relations familiales, fraternelles ou filiales ainsi que tout le lot de douleurs qui les accompagnent souvent.

Dans Exercices de deuil, comme dans ses précédents romans, il met en scène des personnages qui doivent surmonter l’épreuve de la douleur liée à la séparation. Ici encore, il les raconte de manière simple pour des vies qui, parfois, ne le sont pas.

 

    Exercices de deuil se compose de deux histoires, deux nouvelles pourrait-on dire, qui ont pour point commun la mise en abîme de deux personnages perdus dans une grande métropole, isolés, et chacun devant faire face à une forme de solitude de laquelle ils tentent de s’extraire. Deux récits, à la fois simples et compliqués, pour un roman bouleversant et plein de mélancolie diffuse.

 

    Dans le premier récit, on découvre Kaspar, comédien à Berlin, qui s’adresse sous la forme d’une lettre à son ami Roman qui a quitté la ville suite à une dispute avec son père pour d’obscures raisons de choix artistiques. En se souvenant des moments passés ensemble, Kaspar s’interroge et ne comprend pas vraiment la fuite de son ami/amant, cherchant une raison valable pour pouvoir oublier cette ombre qui le hante encore, cinq ans après. Imaginant notre héros perdu dans un Berlin glacial et déshumanisé, on parcourt ce récit touchant et plein de mélancolie douce amère qui n’est pas sans nous rappeler les ambiances des romans de Patrick Modiano où le questionnement sur le passé des personnes occupe là aussi une place centrale. 

 

    Dans le second récit, à Philadelphie, on fait connaissance avec un adolescent, Andrew, qui a quitté sa petite amie Kathryn, qui se trouve en rupture de dialogue avec ses parents et trouve refuge chez un couple d’homosexuels, Devin et Graham, chez qui il habite provisoirement. Dans cette deuxième partie, ce sont les relations familiales qui semblent être au cœur du récit, avec en point d’orgue le passage de l’adolescence à la vie d’adulte. Ce passage délicat où il faut envisager des perspectives d’avenir, ce que semble refuser Andrew pour mille raisons. Plus qu’un jeune adulte désorienté, préférant servir dans un bar plutôt que d’aller étudier, Andrew se cherche, tente de s’affranchir du poids des autres, des valeurs familiales. Et d’ailleurs ce n’est pas un hasard s’il va chercher une forme de liberté chez ce couple homo, au demeurant libéré et sympa à l’écoute de ses problèmes.

    A travers ces deux moments de vie, à deux endroits de la planète, mais tous deux situés dans une grande ville occidentale,
Arnaud Cathrine nous raconte deux personnages différents par bien des aspects mais semblables par cette quête de soi, ce besoin de se libérer des autres, de se construire à soi pour trouver son chemin.

Dans un style épuré, simple et direct, faisant la part belle aux dialogues et aux échanges entre les personnages, Arnaud Cathrine nous offre un roman moderne, bien encré dans notre société et dans lequel chacun pourra y retrouver un peu soi.

 

Benoît