L'histoire
folle de Lucia commence dans un aéroport, à la
veille d'un embarquement pour Vienne, afin d'y fêter
la nouvelle année. Lucia et Ramon sont mariés
depuis dix ans, la flamme est éteinte depuis un
bail, et c'est d'un regard goguenard et agacé
qu'elle suit son mari aller aux toilettes quelques
minutes avant l'appel. Or, les minutes passent et
Ramon ne revient pas. En clair : il a disparu !
Paniquée, proche de la démence, n'y comprenant
plus rien, Lucia va apprendre que son époux a été
kidnappé par un mouvement indépendant, qui réclame
une forte somme d'argent en échange de sa libération.
La police est impuissante, Lucia prend en charge
d'aller sur le terrain pour débusquer la vérité,
mettre la main sur Ramon et se sortir de ce
cauchemar. Elle sera secondée par son voisin Felix
Roble, un vieillard de 80 ans, ancien pistolero,
anarchiste révolutionnaire et torero, et aussi par
Adrian, jeune homme de 21 ans, paumé, mystérieux
mais incroyablement séduisant. Lucia a le coeur qui
s'emballe, la tête fiévreuse et les sens en
alerte. En s'embarquant dans cette quête, cette
femme de quarante ans n'imaginait pas qu'elle allait
parcourir un long, douloureux et irréversible
chemin.
Lucia va croiser de vilains truands, négocier une
rançon bien mal acquise, jouer un rôle auprès de
la police, prétendre être ce qu'elle n'est pas.
Mais ses compagnons sont de fidèles acolytes qui
vont la guider et l'aider à garder la tête hors de
l'eau, que ce soit par la confession des souvenirs
de Felix, autrement dit Fortuna, ou par la séduction
dangereuse d'Adrian. Dans le fond, ce kidnapping va
permettre à Lucia de se dévoiler la face, de
fouiller sa mémoire pour sortir de l'enfance et des
images de ses parents. « La fille du
Cannibale » est un titre qui fait peur,
mais le cannibale en question n'est qu'un acteur de
second plan. Son anthropophagie est plus exactement
une voracité autrement inquiétante : il dévore
ses femmes d'un amour totalitaire, il les mange à
petits feux, de sorte qu'elles lui sont acquises, dévouées,
bafouées. Mais le Père-Cannibale est, au
contraire, un homme différent du souvenir que Lucia
a conservé. En voulant retrouver Ramon, Lucia va en
fin de compte se trouver elle-même, dans le dédale
de ses perditions, de sa crise de la quarantaine,
dans le souci de ne plus plaire, de vieillir, de
perdre la beauté, d'échapper au temps qui passe.
« La fille du Cannibale » est en
somme un roman formidable, à la fois initiatique,
policier, drôle et pertinent. Son personnage de
Lucia Romero, écrivain de contes pour enfants, est
un drôle de bout de femme, attachante et lucide,
accrochée à des illusions, des faux-semblants. Son
histoire est captivante, palpitante, parfois
angoissante. L'auteur Rosa Montero est habile
dans son intrigue, dans le portrait de ses
personnages et dans la véracité de décrire l'époque
cahotique de l'Espagne du 20ème siècle, et le
monde taurin.
Stéphanie
Verlingue
Date de
parution : 13/01/2006
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