Eric
Pelsy - L’été de Rico
1/2
Arléa/coll.
premier mille - 2003
Le
premier roman d’Eric Pelsy, âgé de 49 ans et
vivant en Bretagne, est une plongée sidérante dans
l’univers du mal, vu à travers les yeux d’un gamin
de six ans. Un petit garçon qui commet l’irréparable,
en 1960, dans un petit village des Vosges du Nord ;
en tuant par accident une petite fille Nicole,
copine de sa sœur Princesse venue passer le dimanche
autour d’un bon repas, en ce jour de répit pour
toutes ces familles laborieuses qui savourent quelques
instants tranquilles. Dimanche du basculement pour Rico
qui sort subitement de l’état protégé et
bienveillant de l’enfance et devient celui par qui le
malheur est entré dans la famille. Une famille
respectable, ou en tout cas qui veut s’en donner les
moyens. A sa tête, le père Ferdinand fils adoptif
d’un couple mal assorti : l’Emile trouillard et
résigné devant la Vieille ambitieuse et manipulatrice.
Ferdinand est devenu médecin dévoué soucieux de
respectabilité et de réussite. A ses côtés, la mère
Viviane qui s’occupe de manière automatique, brusque,
sans douceur, de façon presque désincarnée de la
fermette et des cinq hectares qui l’entourent. Et
puis, il y a le petit frère qui babille dans son
berceau, et celui qui est mort avant Rico, et qu’il
porte en lui comme un fantôme.
C’est donc l’histoire d’un gamin trop vite grandi,
soudain rejeté par un geste malheureux et accidentel,
à cause d’un fusil laissé chargé par un copain
chasseur de son père. Un père surmené et seul
attentif à sa propre carrière. Un gamin qui va devenir
dès lors comme un animal qui se terre sous la terrasse,
espionne faits et gestes de son entourage, se construit
ses propres remparts et se méfie de tout parce qu’il
connaît à présent de façon instinctive son état de
banni, de montré du doigt. Entre un père qui veut
oublier et va jusqu’à lui administrer des potions
miracle et une mère qui s’en remet à Dieu dont elle
espère le jugement dernier, Rico doit survivre et se
trouver une nouvelle place dans cette famille déjà
lointaine, jamais intéressée par ce que Lui peut éprouver.
Une famille ou le seul soutien qu’il obtient vient de
sa sœur Princesse, à la fois compréhensive et dure
qui, en quelques paragraphes magnifiques, le sauvera
d’une noyade peut-être rédemptrice.
En
un peu plus de 150 pages denses et bouleversantes, à
l’écriture pointue et détaillée, faite de phrases
brèves et narratives, coupantes comme des lames de
rasoir, Eric Pelsy livre un roman absolument
terrible. Quarante ans en arrière, dans une contrée un
peu reculée, où la sorcellerie a encore sa raison d’être
et où le médecin utilise son statut de notable pour
aider à l’oubli, nous sommes plongés au cœur de
cette famille brisée par le geste de Rico. On ne
ressort pas de ce livre comme on y était entré et le
destin âpre et irréversible de Rico nous poursuit
longtemps. Avec la nature et tous ses éléments en
toile de fond, il y a aussi ici une belle parabole sur
la place de chacun et comment l’on doit se coltiner
avec ces notions universelles et éternelles que sont le
bien et le mal.
Patrick
Editions Arléa
16 rue de l’Odéon
75006 Paris
www.arlea.fr
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