roman

Jean-Hubert Gailliot - L’Hacienda  1/2

Editions De l'olivier - 320 p, 21€ - 2004

 

 

 

     Triplé référence pour le titre du troisième livre de Jean-Hubert Gailliot, également co-fondateur en 1987 des éditions Tristram. D’abord, à la fin des années 50, pour les érudits littéraires, L’Hacienda fut la représentation d’une construction possible et nécessaire pour le mouvement situationniste. Quinze ans plus tard, c’est le mouvement pop anglais de Manchester en tête duquel trônaient Joy Division et New Order qui baptise du même nom son club fameux, avec un semblable objectif de création d’un nouveau lieu (ici un endroit pour écouter et danser sur une musique nouvelle). Dans le bouquin de Gailliot, c’est une série télé tournée dans un parc à thèmes et chargée de remettre en selle des anciennes vedettes ringardes qui porte ce nom.

 

    De la télé, Benjy le personnage central en bouffe à foison en épuisant le stock d’une montagne d’enregistrements, très précisément 665. Exilé de France, il a atterri dans une ville à la frontière du Nouveau-Mexique à la poursuite improbable d’une chanteuse Ines Balderrama, dont il apprendra l’assassinat, égaré entre Denver et Mexico. Reclus au fond d’un bunker coupé du monde pendant de longues semaines, Benjy en sort de temps à autre pour quelques jours de baise au saloon-bordel local.

Le roman de Gailliot se présente comme un collage expérimental qui intercale les réflexions apocalyptiques et paranoïaques de son héros et la retranscription des programmes visionnés. On y assiste notamment au vol d’une arme dans un club de tir, à la déchéance de Gwladys actrice de série Z mise à mal par un trio d’anciens cinéastes qui proposent une relecture jubilatoire du match de foot France-Allemagne de la coupe 1982. On y suit aussi les développements de Gilbert Stein sur la théorie de la clochardisation des nations, et surtout de l’Occident.

 

    Soit bric-à-brac foutraque et compliqué à souhait, soit puzzle singulièrement cohérent dans son discours et les idées exposées, L’Hacienda constitue un cas à part dans la littérature actuelle. Truffé de références qui vont des New York Dolls à Philip Roth, en passant par Jennifer Charles et Howard Hughes, le livre prouve, si besoin était, l’étendue des connaissances artistiques de son auteur atypique.

Sur ce roman, planent aussi les ombres de grands écrivains américains, comme Kerouac ou Faulkner. Le héros de Gailliot emprunte d’ailleurs son nom à celui de Faulkner dans Le bruit et la fureur.

La kaléidoscope offert par L’Hacienda se traduit dans celui de l’écriture et du style. Tour à tour faite de simples dialogues et de longues phrases entourées de multiples parenthèses et crochets – ne favorisant pas toujours la lecture -, l’écriture de Gailliot est multiple, riche et alambiquée. En tout cas exigeante et excitante, pour qui voudra bien faire l’effort de pénétrer dans un bouquin souvent bordélique.

 

Patrick Braganti

 

En parallèle à cette publication, Jean-Hubert Gailliot publie aussi 30 minutes à Harlem, une courte fiction qui pourrait constituer un des épisodes de L’Hacienda

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L'entretien avec JH Gailliot