Le
livre est posé là sur la table, et je le regarde
intimidé, mince promesse de 80 pages en gros caractères
et pourtant je n’ose pas vraiment le regarder en
face ce livre, il y a des raisons, il y tellement de
raisons, de la douleur, des phrases au cordeau…
Marc
Vilrouge était entre la vie et la mort au
moment de la parution de ce problématique livre
impossible, il est mort le 15 janvier 2007 et me
voilà devant ce mince volume comme devant une
bouteille à la mer plein de perplexité et avec des
nœuds dans l’estomac, l’inspiration en berne et
un peu gêné aux entournures. Quand l’inspiration
nous quitte, enfin quand elle semble nous quitter
(elle n’a peut-être jamais existée qu’à l’état
de désire) que faire ? Allez s’en jeter un au
troquet du coin ? Tourner autour de la table, autour
du livre en espérant très fort ?
Le
livre de Marc Vilrouge est impossible car il
y est question de choses impossibles à regarder
sereinement pour quiconque tente d’écrire à
quelque niveau que ce soit . Il y est question de
cette fameuse inspiration, des écueils de l’autofiction
et de la quasi-impossibilité de découdre le tissu
de son âme sur le papier.. Comment écrire lorsque
que l’on s’est mis volontairement en dehors du
monde ? Comment écrire quand on est hors du lien ?
Comment écrire à partir d’une existence de plus
en plus vide et étrange où le grain à moudre se
fait de plus en plus rare ? L’existence de notre héros
en creux (de Marc Vilrouge ?) n’est faite
que de longue plage d’inaction où il ne vie plus
vraiment, où semble seulement exister un corps à
la recherche de substances vitales. Vaporeuses
partouzes entre garçons indistincts, grosse
consommation de cocaïne… dérive vers des drogues
moins coûteuses et plus encombrantes (GHB la drogue
du violeur), état latent suicidaire, hôpital
psychiatrique, récifs de l’autofiction !
«
Quand écriras – tu un joli livre, dit un jour sa
mère à Flavien. Un roman que pourrait lire mémé
? » Pour fuir tout ça Marc Vilrouge (Son héros ?)
rejoint sa famille, il a besoin d’écrire sur sa
famille... Mais il se heurte à son incapacité d’écrire
ce lien là aussi, sur l’impossible confrontation
entre les mots crus et le réel de cette famille là..
Alors il ne reste que ce qu’il est, il ne reste
que ce qu’il vie parcimonieusement. Terrifiante
solitude, il n’écrit plus que l’aridité de
cette solitude, une infime matière concassée avec
pour unique possibilité l’espoir de donner voix
aux esprits en espérant que le monde ne s'écarte
pas trop, sinon…
L’autofiction
serait avant tout de la fiction ou un récif trop réel
où l’on se déchire ? Je ne sais pas trop je
n’ai pas les compétences nécessaires pour juger
vraiment. En tous les cas, on n’est peut-être pas
fait pour un seul moi. On a bien tort de se tenir à
un seul moi….
Ce
que je sais par contre ce que je discerne maintenant
parfaitement, c’est que Marc Vilrouge était un écrivain,
un vrai, il avait 36 ans, lisez le merci pour lui.
Philippe
Louche
Date
de parution : 03/01/2007
Plus+
www.ledilettante.com
www.vilrouge.com
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