D’ici
quelques jours sera commémoré avec faste et souci
affiché de bonne entente entre le Nouveau Monde et
la vieille Europe le soixantième anniversaire du débarquement
sur les plages normandes près de Caen qui vit la
libération progressive de la France. Les livres et
les films n’ont pas manqué sur cet événement
primordial baptisé « le jour le plus long ».
L’action de Marie Joly se situe à la même
époque et presque au même endroit, à quelques
dizaines de kilomètres à l’intérieur des
terres. Nous abordons la grande histoire, celle des
manuels et des hommages par le biais d’une
histoire individuelle, particulière et originale à
plus d’un titre.
Contrairement
à ce que laisse penser le titre, ce n’est pas de Marie
Joly dont il est ici question, mais de Cécile :
une jeune dentiste caennaise volontaire et déterminée.
D’abord à aller retrouver son mari Pierre, médecin
réquisitionné dans un camp du nord du pays, en
bravant barrages et angoisses. Ensuite à fuir la
ville en proie aux bombardements incessants en
recherchant une maison isolée et tranquille. Cette
maison, elle la découvre un beau matin, en tombe
sur le champ amoureuse, l’acquiert et y emménage
avec sa mère malade et le fils d’un collègue de
Pierre. C’est un endroit magique, retiré, presque
protégé des vicissitudes de la guerre. Un endroit
qu’ un homme fou d’amour pour sa compagne
actrice, une certaine Marie Joly, avait acheté
au siècle dernier pour y réfugier sa passion et en
faire le tombeau de sa bien-aimée.
Hélas,
même dans cet endroit apparemment préservé, la
guerre finit par rattraper Cécile et les siens. La
belle demeure, devenue entre-temps une arche de Noé
pour des amis ou des connaissances, est réquisitionnée
par l’ occupant allemand avec lequel il faut
cohabiter et partager des denrées de plus en plus
rares. Le salut ne réside plus que dans
l’espoir de l’arrivée des alliés. Et
lorsque ceux-ci arriveront, les souffrances et désillusions
de Cécile n’en seront pas pour autant terminés.
Jean-Luc Bizien, auteur de romans policiers et
d’ ouvrages pour la jeunesse, a réussi un
portrait magnifique d’une femme non-conformiste et
battante, remplie de courage et de volonté,
refusant la capitulation et voulant croire sans
cesse à des jours meilleurs. Alors que son destin
repose essentiellement sur la réussite du débarquement,
celui-ci n’est jamais évoqué directement. La
distance pourtant réduite – géographiquement
parlant - entre la maison de Cécile et le théâtre
des opérations apparaît ici presque insurmontable.
En
partageant l’histoire de Cécile, reviennent
fugacement à l’esprit deux autres héros, de cinéma
cette fois : Odile, l’institutrice et sa
parenthèse amoureuse pendant le même conflit (Emmanuelle
Béart dans Les égarés de Téchiné)
et Benigni dans La vie est belle. En
effet, on retrouve cette capacité merveilleuse chez
Cécile à inventer continuellement des jeux et des
divertissements pour les trois jeunes enfants
qu’elle abrite sous son toit.
Cependant nul besoin de comparaison pour apprécier
à juste titre la personnalité extraordinaire de
cette femme qui en fait une vraie héroïne de
roman. Un beau roman, très narratif, à l’écriture
limpide et coulante, qui fait exister sans misérabilisme
ni fausse candeur quelques vies pas si ordinaires à
côté d’un événement majeur.
Patrick
Les
éditions Sabine Wespieser se sont dotées récemment
d’un site : www.swediteur.com
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