Le logo de cette toute jeune
maison d’éditions bourguignonne est constitué de
deux arbres longilignes comme des cyprès, un petit
et un grand et leur proximité affichée se veut aux
dires mêmes de l’éditeur Jean-Pierre Maurice
et du directeur littéraire Matthieu Baumier
le symbole de la différence et d’un goût pour
l’opposition des contraires. Belle ambition de
leur part que de publier des romans, des nouvelles
et des essais mais aussi une conséquente revue La
Sœur de l’Ange dont le dénominateur commun
est « la confrontation et la complémentarité
des contradictoires ».
Passé ce préambule
de présentation, il apparaît logique que le
dernier roman de Jean-François Patricola
soit publié chez A contrario tant l’idée
maîtresse qui le régit semble en totale osmose
avec celles développées chez l’éditeur. En
effet, dans ce court roman qui s’apparente
d’ailleurs à une allégorie ou une fable, Patricola
impose le dialogue forcé par une savoureuse ironie
entre un Palestinien et un Israélien, figures
tristement notoires de l’opposition et de
l’impossible conciliation. Cette drôle de
circonstance qui provoque un rapprochement si ténu
qu’il fonde les deux en un est la greffe du cœur
palestinien dans le corps israélien. La mort et le
don d’organe de l’un entraînent la survie de
l’autre, transformé et interrogatif car
possesseur de l’organe fondamental qui permet de
vivre, mais surtout de ressentir. Et de poser comme
postulat inévitable la « nécessité inéluctable
de la paix entre les deux peuples ».
Laquelle nécessité, cela va de soi et transparaît
dans un épilogue universaliste, dépasse largement
le cas du conflit proche-oriental présenté dans ce
roman.
Un roman
lyrique et soutenu par une langue riche et
incantatoire, truffé de références que le commun
des mortels ne possédera pas forcément. Il faudra
alors accepter de ne pas entièrement comprendre les
réflexions philosophiques des deux hommes tour à
tour. Peu importe que toutes les clefs ne nous
soient pas ici livrées, car l’impérieux besoin
de vivre ensemble, de se côtoyer et d’aller vers
un avenir enfin serein ressort avec lucidité et
force des lignes douloureuses et profondes de ce récit
exigeant et indispensable.
Point besoin
de long discours, de traités ou d’études
dilatoires. En un peu moins de quatre-vingt pages, Patricola
homme d’engagements, touche-à-tout inspiré,
fondateur d’une revue littéraire puis de maisons
d’éditions, poète et traducteur d’italien,
signe un roman âpre, mû par l’optimisme
volontaire de croire en la possible paix entre les
hommes. C’est ce qui lui confère cette dimension
incroyable, imprimant chez son lecteur dérouté
mais conquis un souvenir durable.
Patrick
Editions A contrario
13 rue Lamartine
71250 Cluny
Tél : 03 85 59 33 77
Le premier numéro de La Sœur
de l’Ange s’interroge sur A quoi bon
l’art ?, en installant tout au long de
ses 370 pages une démocratie textuelle, par le
juxtaposition de pensées de tous bords, souvent
contradictoires, qui permettent au lecteur de se
forger un avis et de développer son esprit
critique.
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