Il
est particulièrement bienvenu ou opportuniste –
c’est selon – qu’un livre, recueil de huit
nouvelles, qui se propose de nous emmener sur des sentiers
délicats, ni trop battus ni trop balisés, soit
publié chez Le Dilettante. Un petit bouquin
à déguster à l’ombre d’un chêne vautré dans
sa chaise longue, l’esprit prêt au vagabondage et
à l’évasion.
Eric
Holder,
auteur prolifique, environ un ouvrage par année
depuis vingt ans, - Nouvelles du Nord fut son
premier livre - nous promène sur les méandres de
ses chemins buissonniers à pied, camion, moto,
train, voiture, en France, mais aussi au Québec
pour y partager des moments de la vie de ses
personnages.
Ainsi
la première et plus longue nouvelle intitulée L’échappée
belle – de loin la plus réussie – narre les
années adolescentes d’un jeune homme fou de littérature,
ami d’André un charpentier de marine qui
l’initie aux grands auteurs – André avait
tout lu , sauf le reste qui est littérature.
Un beau jour, il taille la route pour rejoindre un
pote à Paris et l’Afghanistan – nous sommes en
1975 , le pays est perçu comme un Eldorado
dont les pépites auraient été spirituelles.
Sur les routes du Sud, il croise Marc un
globe-trotter solitaire, puis est embauché chez un
viticulteur pour les vendanges. Il y fait la
connaissance d’Isabelle qui lui prédit :
« Tu seras écrivain, et je serai ta muse.
Tu écumeras Paris et tu me retrouveras. »
Qu’importe que ce vœu ne se réalise jamais ni
celui de l’escapade afghane, l’échappée du
jeune narrateur – Holder, lui-même ?
– lui a ouvert de nouveaux horizons, lui a laissé
entrevoir d’autres possibilités.
On
pense alors que l’ouvrage sera dédié à la nécessité
d’aller voir toujours ailleurs, de prendre périodiquement
la poudre d’escampette, histoire de mesurer l’état
du monde et d’y faire quelques belles rencontres.
C’est
beaucoup moins évident pour les sept nouvelles
suivantes dont le sens nous échappe quelque peu.
Des fragments de vie si ténus que le fil semble se
rompre, si abscons qu’ils provoquent chez le
lecteur stupeur et égarement. Les états d’âme
d’un camionneur sur les départementales
auvergnates, le plaidoyer lyrique d’un motard, les
élucubrations oiseuses de deux anglais dans un
train, le pèlerinage de Jean (Rolin)
infatigable marcheur ne nous captivent guère
et nous laissent sur notre faim.
L’écriture est ici poétique et douce, toujours
sensuelle, mais ne résiste pas à l’utilisation
intempestive et tellement à la mode de noms propres
– syndrome Delerm fils. Cela ne suffit pas à
faire un bon bouquin. Nous sommes à la marge, on ne
rentre pas dedans, pour tout dire on se fout pas mal
de toutes ces histoires, ces errances, ces
souvenirs.
La
recette Holder ne marche pas à tous les
coups : malgré de bons ingrédients, le plat
qui n’a pas mijoté suffisamment se révèle sans
goût, presque indigeste.
Patrick
Braganti
Date de
parution : janvier 2005
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