roman

Eric Faye - Le syndicat des pauvres types

Éditions Stock - 216p, 16.50€

[4.0]

 

 

Le début commence par la fin : un début aussi étrange que le roman lui-même. Six mois après avoir été inhumé au Panthéon, la demeure funéraire des grands hommes, le corps d’un certain Antoine Blin est transféré en catimini, dans l’anonymat presque total, dans un petit cimetière de banlieue. Pourquoi ? Toute la suite du roman est déroulée en flash-back vers les dernières pages qui viendront éclairer cet énigmatique préambule.

 

Antoine Blin, la quarantaine déjà entamée, vit modestement dans un petit deux-pièces qu’il quitte chaque nuit pour aller travailler à la Poste où il trie le courrier. La vie d’Antoine Blin est tranquille, d’une banalité affligeante, traversée par une solitude assommante. Lorsque commence le roman, une canicule insupportable écrase la ville. Comme tous les citadins, Antoine vit au ralenti au cœur de cet été torride. Sauf qu’en plus de la transpiration qui colle à chacun de ses gestes, une autre odeur, plus tenace, plus désagréable encore, semble le suivre à la trace. C’est une odeur indéfinissable dont Antoine Blin a honte et que les litres de parfum dont il s’asperge n’arrivent pas à maquiller. Qu’est-ce que ça sent ? La mort ?

 

Un jour, par hasard semble-t-il, Antoine Blin croise un homme qui ne tarde pas à s’adresser à lui. Cet homme se nomme André Denner et fait partie d’une curieuse association, secrète mais prétendument très étendue, qui réunit tous les gars un peu paumés, comme Antoine, au quotidien banal, ignorés de tous : le syndicat des pauvres types. Unis, les pauvres types, peuvent s’entraider et mieux inverser leur destin. C’est ce que propose M. Denner à Antoine Blin. Pour adhérer à ce syndicat, il suffit ainsi de mettre par écrit cette profession de foi : « je reconnais être un pauvre type ». Antoine est sur le point de signer lorsqu’au dernier moment un étrange appel va bouleverser son existence. Désormais, lui qui n’était M. Personne, a soudain l’opportunité de devenir le "Monsieur Tout-le-monde" le plus célèbre du pays…

 

Dans cette histoire improbable, nous ne sommes jamais loin de Kafka. Le personnage principal, anti-héros par excellence, perd peu à peu le contrôle de sa vie, guidée par une organisation toute puissante qui le dépasse. Sorte d’ode à l’homme de la rue, au monde de tout le monde dans lequel presque chacun peut se reconnaître, ce roman est en même temps une critique, à l’humour souvent cruel, du pouvoir de la médiatisation et, en sous-main, des aspirations au populisme.

 

Il y a quelques longueurs, surtout à la moitié du roman où l’histoire piétine, s’essoufflant avant de repartir vers une autre perspective – celle des sirènes de la télé-réalité. J’ai parfois l’impression qu’Eric Faye ne va pas jusqu’au bout de ses idées dans la construction de l’histoire : Antoine Blin est presque trop attachant pour être véritablement un pauvre type, la thèse sous-jacent le syndicat des pauvres types n’est pas assez expliquée pour pouvoir être vraiment comprise et l’apparition de la télévision vient trop tard, un peu comme un deus ex machina.

 

Cependant, on se laisse embarquer par cet étrange roman qui offre à réfléchir sur les faux héros de la société actuelle. Un roman à l’écriture toujours juste et précise qui mériterait de ne pas être oublié sous l’avalanche des titres de la rentrée littéraire.

 

Céline Lavignette-Ammoun

 

Date de parution : 23/08/2006

 

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