Pour qui lit régulièrement et aime Modiano,
cette nouvelle parution constituera sans doute une
clé importante et un éclaircissement quant aux
intentions de l’auteur dans ses précédentes
romans et pour la compréhension de ceux-ci.
Sorte
de best-of en forme de journal intime, Un
pedigree raconte Modiano tel qu’il fut
dans sa jeunesse. Si tous les faits relatés ici résonnent
bizarrement, c’est qu’il constituent sans doute
la base de tout ce sera l’œuvre de Modiano
au cours de ces quelques 35 dernières années.
Si Modiano se raconte dans ce livre, ce
n’est pas en se regardant le nombril ni en
s’apitoyant sur son pourtant triste sort, mais en
faisant une sorte d’état des lieux de ce que fut
les premières années de sa vie, avant de devenir
l’écrivain reconnu et hautement respecté que
l’on connaît aujourd’hui.
Dans
le style qui le caractérise depuis si longtemps et
qui le rend unique, Modiano raconte son père,
sa mère, les gens qu’ils furent, mais aussi ceux
qu’ils côtoyaient. D’abord durant
l’occupation, puis durant les années 50, 60 avec
chaque fois, en écho, des évènements
(l‘occupation allemande, la guerre d’Algérie…)
qui replacent invariablement son parcours dans un
contexte politique et social bien marqué.
Dans Un pedigree, Modiano se raconte,
sans détour, de la même manière qu’il racontait
les destins obscurs de ses personnages dans ses
romans. Il parle de son père, homme éminemment énigmatique
et détaché, de sa mère, artiste parisienne et
sans amour pour son fils, toujours trop loin de lui.
Modiano cite des dates, des lieux, des personnages
des noms de comtes ou de barons. Il nous parle de sa
vie en pensionnat du coté d’Annecy. Et chaque
souvenir, évocation rappelle un titre de roman :
De si braves garçons, Dimanches d’août,
Du plus loin de l’oubli, Une jeunesse,
Un cirque passe…
Et
l’on comprend alors tout ce qui an nourri ces
beaux romans, tout ce qui a servi de ferment à une
littérature foisonnante, mais toujours écrite de
la même manière, avec des thèmes et des ambiances
de mélancolie et de profonde tristesses cent fois
retrouvés ici et là.
Un pedigree lève donc le voile sur Modiano
sans toutefois nous surprendre tant il nous a habitué
par le passé à évoquer les faits relatés ici. Si
ce livre se démarque quelque peu de ses romans de
toujours, il n’en est pas moins le complément
parfait pour une ouvre qui reste singulière et
bouleversante comme jamais.
Benoît
Richard
Date de
parution : janvier 2005
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