Kan Takahama
- Kinderbook
Casterman/coll.
sakka- 234p, 10.95€ - 2005
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Kinderbook est un recueil de dix nouvelles d’une
jeune mangaka, déjà repérée pour L’épinard de
Yukiko par exemple. Ces histoires sont de longueurs
très diverses, parfois très courtes, toutes en noir et
blanc évidemment, et témoignent de l’intérêt de
l’auteur pour une certaine noirceur des relations
humaines.
Ce qui frappe le plus après lecture, c’est la
diversité des dessins. Parfois classiques (pour un
manga), parfois fouillés, parfois elliptiques,
esquissant à peine les personnages, ils apportent une
certaine richesse à notre regard. Cette variété
permet de quitter une histoire pour rapidement plonger
dans une autre.
Par
contre, le choix des récits est nettement orienté vers
un pessimisme lourd, parfois glauque, souvent préparé,
parfois survenant brusquement sous forme de chute
inattendue. Les personnages couvrent à peu près tous
les âges de la vie :on trouve des enfants, des
adolescents, de jeunes adultes, des couples mariés ou
des personnes âgées. Le recueil devient au final un
instantané de différents malheurs, déceptions,
moments d’amertume qui surgissent dans toute
existence, et auxquels nul ici n’échappe. Les
histoires s’arrêtent souvent lorsque ce malheur est révélé,
nous laissant ainsi supposer qu’il va laisser des
traces durables, que nous ne pouvons qu’imaginer.
Ainsi des adolescentes mises à l’écart vont (peut-être)
découvrir que le seul homme qui les aide et les
comprend n’est pas celui qu’elles croyaient. Des
gens qui pensaient s’aimer comprennent leur erreur de
jugement. Des rancœurs se révèlent au grand jour. Et
toutes les illusions des personnages de s’effondrer
brutalement.
Cette
originalité relative finit pourtant par plomber
l’ensemble. Au bout d’un moment, on suit les
histoires en se demandant quel malheur va finir par
surgir. La structure se révèle trop répétitive :
découverte des personnages - apparence de bien-être
– révélation du malaise. Cette obsession récurrente
devient trop systématique dans certaines histoires pour
parvenir à toujours intéresser, à surprendre.
C’est
alors chez les personnages qu’on croirait le plus à
l’abri, les enfants, que le style de Takahama
se fait le plus intrigant : les histoires où ils
sont présents, souvent seulement entre eux, laissent un
réel goût amer, peu fréquent en BD.
Ainsi, ce recueil déroutant finit par pâtir de ses répétitions,
malgré sa variété graphique. La dernière histoire,
très courte (Amours éteintes et petites bières, chouette
titre !) échappe à la construction classique du
recueil et laisse entrevoir combien l’auteur parvient
à intéresser quand elle quitte ses habitudes
narratives, lorsqu’elle creuse ses obsessions tout en
travaillant réellement la forme du récit…une
impression en demie-teinte, donc, pour un ensemble très
noir.
Matthieu
Jaubert
Date
de parution : 02/11/2004
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