Nabiel Kanan
- The birthday riots
La
boite à bulles/coll. contre-jour - 64p,
12.50€ - 2005
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Voici une étonnante BD, qui part avec des ambitions périlleuses,
notamment celle de donner à réfléchir sur la
politique (matière délicate à manier dans les œuvres
d’art, voir les leçons du cinéma engagé qui oublie souvent de faire du cinéma)
dans un volume assez mince, et qui parvient pourtant très
bien à ses fins, en brassant une quantité de thèmes
impressionnante.
Nabiel Kanan avait déjà publié en France Fille
perdue, un ouvrage qui se consacrait au malaise
adolescent à travers une histoire assez trouble, et déjà
assez courte. Ici, en fait, il reprend ses thématiques,
mais les incorpore dans un récit plus large et plus
riche, en les contextualisant hors de la seule sphère
familiale, dans son pays, L’Angleterre, lors d’un
moment stratégique, une élection pour le poste de
maire de Londres.
L’histoire se concentre sur quelques jours avant l’élection.
On suit la vie quotidienne de Max , père de
famille tout ce qu’il y a de plus banal en apparence,
ex-professeur de droit politique qui s’est engagé
auprès d’un candidat, mal en point dans les derniers
sondages. Un événement perturbe l’élection :
un jeune homme s’est lancé dans une grève de la faim
pour protester contre une loi interdisant aux tsiganes
de s’installer où ils veulent (ou peuvent).
A partir de cette trame, Nabiel Kanan va
multiplier les entrecroisements : la vie familiale
de Max va être perturbée par ces élections et cette
affaire : sa fille de quinze ans, Nathalie,
s’interroge beaucoup sur ce gréviste de la faim, sur
cette loi, sur l’engagement en fait, pendant que son père
voit combien cette affaire peut gêner son candidat.
Leur vie va croiser celle de tsiganes en recherche de
lieu d’accueil, qui vont finalement s’installer près
de la maison de Max. Une nouvelle communicatrice engagée
par le candidat va aussi renvoyer Max face à ses
interrogations sur sa vie personnelle. Donc, pour résumer,
c’est toute sa vie que Max va devoir tester lors de
l’approche de ces élections. Surtout que des
flash-back vont peu à peu nous dévoiler le Max
d’avant, celui qui enseignait, celui qui
s’engageait, celui qui refusait de se compromettre
dans la politique, celui qui transmettait sa foi à ses
étudiants, dont un certain étudiant…
Peu à peu, ce sont des pans entiers de vie sur le point
de basculer que nous découvrirons : Jusqu’où
Max va-t-il aller avant d’accepter de ne plus pouvoir
(ou vouloir) être celui qu’il était auparavant, et
que l’on admirait ? jusqu’où le gréviste de
la faim sera-t-il prêt à aller pour ses idéaux ?
Jusqu’à quand Nathalie, la fille de Max, va-t-elle
accepter ce père qui n’a tenu aucune de ses promesses ?
Vers quels affrontements décisifs vont nous mener ces
chemins de plus en plus croisés, de plus en plus
inextricables ?
L’art de Nabiel Kanan, c’est d’avoir
su entrecroiser parfaitement ses thématiques pourtant
disparates, et d’avoir construit un récit très vif,
sans temps mort, où chaque épisode apporte son lot de
nouveaux problèmes, de nouvelles découvertes, de
nouvelles interrogations. L’auteur se range sans hésitation
aux côtés des Daniel Clowes (on y pense souvent
en voyant les dessins), ou de Chester Brown, mais
il s’en démarque ici grâce au cadre inattendu de son
livre, le milieu politique. Une belle surprise.
Matthieu
Jaubert
Date
de parution :Mars 2005
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