Jason
- Le char de fer
Atrabile/coll.
flegme - 2003
Le char de fer
nous
plonge une nouvelle fois, avec beaucoup de plaisir,
dans l'univers de Jason.
Avec un quatrième album aux éditions Atrabile,
publié pour la première fois en grand format. Cette
taille permet au dépouillement, à la justesse dans la
sobriété et la simplicité et à l'élégance
naturelle des dessins de se montrer sous leur meilleur
jour. Et l'adjonction au noir et blanc, très pertinente
et réussie, de touches de rouge (une première également)
vient renforcer cette impression.
D'autant
plus que, dans cette adaptation classique d'un roman de
détection policière, le maître mot est l'ambiance.
Elle est d’ailleurs
bien plus importante que les suppositions qu'on
peut faire à propos de l'identité du meurtrier,
puisque évidemment de meurtre et de meurtrier il est
question ici.
On
devinera d'ailleurs assez rapidement l'identité du
tueur sans que cela ne gène le plaisir de lecture.
L'intérêt est manifestement ailleurs.
Quelques
mots de l'histoire, tout de même. Un écrivain, un médecin
et un garde-chasse dans un village de la campagne norvégienne.
Une jeune fille à courtiser, qui jette son dévolu sur
le garde-chasse. Malheur pour lui, on retrouve son
cadavre sur la route.
Arrive
un détective perspicace et suivent des évènements étranges,
apparemment inexplicables. Un nouveau cadavre est découvert :
celui d'un homme prétendument noyé depuis quatre ans.
Et, pour couronner le tout, un mystérieux char de fer
se fait entendre sans que personne ne puisse le voir. Au
final, bien évidemment, le détective va dénouer tous
les fils de cette pelote bien emmêlée et tricoter une
réponse qui jettera toute la lumière sur des évènements.
Pour concomitants qu'ils soient, ils n'en sont pas pour
autant nécessairement liés…
La
phrase clé, que prononce le détective, emmène l'album
ailleurs ; au-delà du simple whodunnit criminel :
"Il est intéressant de voir comment l'inquiétude
s'empare de certaines personnes et petit à petit les
brise complètement" dit –il.
Phrase
écho de l’image de l’homme, un criminel, aux prises
avec son passé et ses peurs qui affleurent, pour
revenir ensuite inlassablement, jusque dans des délires
hallucinatoires.
C'est
dans cette phrase clé qu’on se rend compte que Jason
s'approprie le roman de Stein
Riverton pour lui faire rejoindre son univers :
un univers marqué par les souvenirs, par les fantômes
dont on voudrait se défaire mais qui, inexorablement,
reviennent nous hanter. Inévitablement, on repense à Attends…,
le premier album de Jason,
et sans doute toujours son meilleur à ce jour.
C’est
dans l’assertion du détective, et dans un épilogue
tristement lucide et amer, que Le
char de fer accède au conte moral et achève la
conquête de notre totale adhésion.
Le char de fer
est un album élaboré sur un mode mineur mais qui n'en
reste pas moins, au-delà du genre et de ses codes, un
album très personnel et hautement recommandable.
Fred
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