Hiroshi Hirata
- L’honneur de ses samouraïs
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Akata/Delcourt – 228p,
7.50 € - 2004 (1 tome sur 6 prévus)
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C’est avec une curiosité non dissimulée
que l’on commence la lecture du premier tome de Satsuma,
l’honneur de ses samouraïs, série en 6 volumes
que l’auteur, Hiroshi Hirata, présente lui-même
comme un gekiga sur la société des samouraïs. En
effet, le lecteur se trouve plongé au beau milieu de
l’ère d’Edo, en 1753, dans le fief de Satsuma. Il
assiste alors aux rivalités entre les différentes
classes de samouraïs, à leur mode de vie respectif et
à l’ensemble des valeurs et des normes qui permettent
de maintenir la cohésion dans le fief. Ainsi, Sakon
Shiba, samouraï de basse classe appartenant aux gôshi,
se trouve être condamné à mort pour s’être vengé
avec ses compagnons contre des jôkashi, des samouraïs
de plus haut rang. Parallèlement, Gondô Jûzaburô,
jeune fils d’une glorieuse famille de jôkashi
commence à se rebeller contre les valeurs et les
enseignements qu’ils reçoivent en ces temps de paix,
afin de contenir leurs accès guerriers.
L’œuvre apparaît, dès les premières
pages, extrêmement ambitieuse. Tout d’abord,
l’auteur prend le parti d’offrir à ses lecteurs une
retranscription réaliste de la société féodale, et
tout particulièrement des conditions de vie des samouraïs.
Loin, en effet, de les décrire comme une caste
relativement homogène, l’auteur s’attarde au
contraire sur les différentes catégories qui la
compose. Ainsi, les jôkashi, vivant près du château
du seigneur et en général plutôt aisée, ont un droit
de vie et de mort sur les gôshi, vivant à la campagne.
De même qu’il existe une différenciation d’ordre
juridique entre tous les samouraïs et les civils, ces
derniers leur étant, quelque soit leur richesse, forcément
inférieur, de même il en existe une entre les différentes
classes de samouraï. L’auteur s’attarde plus spécialement
ces gôshi, généralement très pauvres, et obligés,
pour pouvoir nourrir leur famille, d’effectuer des métiers
d’appoint de toutes sortes. Plus largement, l’œuvre
évoque le rôle prépondérant de l’honneur comme
facteur de cohésion sociale, formant ainsi la valeur
centrale de la société des samouraïs.
Ensuite, la narration est particulièrement
complexe. D’une part, l’auteur n’hésite pas à
introduire une multitude de flash-back, afin de
dynamiser le récit, en revenant notamment sur
l’origine de la condamnation à mort de Shiba. Pour
autant, le lecteur ne se sent absolument jamais perdu,
bien au contraire, puisque ces retours en arrière
jouent un rôle prépondérant dans la compréhension de
l’intrigue. De même, pour répondre à sa volonté de
retranscription historique, Hiroshi Hirata n’hésite
pas à créer plusieurs scènes didactiques, où il nous
expose sur quelques pages les différents métiers exercés
parles gôshi, ou encore les fondements de l’école
Jigen ou de l’école Nise. Toutefois, ces passages
didactiques se révèlent toujours absolument
passionnantes et ne constituent nullement un frein au
plaisir de lecture, bien au contraire. Ils alternent
parfaitement avec les scènes d’action particulièrement
violentes et sanglantes, allant ainsi toujours dans la même
optique réaliste.
Enfin, le trait de l’auteur est également
d’une grande beauté. Très proche sur certains
aspects de celui de Goseki Kojima (le dessinateur
du sublime Lone Wolf and Cub), le dessin apparaît
très rugueux, très brut, montrant une grande
utilisation des hachures et de visages souvent graves et
sombres. De même, il fait montre d’un réel dynamisme
dans les scènes de combats qui ornent le récit, à
travers une représentation du mouvement parfaitement maîtrisée.
Enfin, le trait de l’auteur en vient même parfois à
évoquer les gravures anciennes, tant certaines pages
s’avèrent absolument remarquable de finesse.
Ainsi, ce premier volume de Satsuma
s’avère être une petite merveille, proposant une
vision des samouraïs bien différente de ce à quoi on
est le plus généralement habitué. Ainsi, non
seulement la figure mythique du samouraï apparaît
totalement déboulonnée de son piédestal mais l’œuvre
nous en donne en plus une vision complexe, nuancée et
diverse. Qui plus est, en dépit du dessin assez proche,
la démarche de Satsuma se révèle plutôt éloigné
de celle au cœur d’une série comme Lone wolf and
cub, si bien que l’on peut déguster les deux sans
modérations sans risque de redondance. Un véritable
coup de cœur pour ce premier tome à la fois
passionnant et enrichissant, publié dans une édition
francophone absolument irréprochable, tant sur le plan
de l’adaptation graphique surprenante et inédite, que
sur le plan de la traduction et des compléments en fin
de volume, auxquels Hiroshi Hirata a lui-même
participé.
Vincent Monnoir
Date
de parution : 08/12/2004
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