Après un premier album, Daddy's
Girl, un recueil de nouvelles, la plupart dans un
noir et blanc glauque et étouffant
qui aborde le problème de l'inceste de manière
frontale, Debbie Drechsler retrouve quelques uns
de ses personnages avec The
Summer of Love. Lily et sa famille déménagent une
fois de plus, et viennent s'installer à Woodland,
petite ville de banlieue américaine typique. Là, Lily
et Pearl vont devoir de nouveau s'intégrer à une
communauté peu ouverte.
A première vue, The
Summer of Love paraît plus léger que son prédécesseur,
l'auteur laissant totalement de côté la relation
incestueuse entre Lily et son père. Le père,
d'ailleurs, est pratiquement absent du livre, mais le
regard terrorisé que Lily lui décoche dans l'une des
deux scènes où il intervient suffit pour nous rappeler
toute l'horreur de sa situation. Et même si The Summer of Love se démarque de Daddy'sGirl par un graphisme beaucoup plus élégant et moins torturé,
ainsi que par une mise en couleurs dans des tons verts
et marron mornes soulignant le caractère anodin de
l'histoire, le propos et les thèmes de prédilection de
Debbie Drechsler restent les mêmes, et prennent
même une nouvelle force par leur côté banal.
Ce que fustige de manière virulente l'auteur dans The
Summer of Love, c'est une certaine "dictature
du regard de l'autre", et le pouvoir que celle-ci
donne, surtout aux hommes. Lily se retrouve complètement
soumise à cette dictature, cherchant assez pathétiquement
à plaire quand le regard des autres est posé sur elle.
Déboussolée et isolée des autres, elle devient une
proie facile pour le crétin arrogant de la ville, et
s'engage dans un cercle vicieux en reproduisant
involontairement la relation de soumission qu'elle avait
avec son père. Pearl aussi subit le regard accusateur
des autres, elle qui commence à aimer sa meilleure
amie. La nature de cette relation l'isole complètement
du reste de la communauté, et la désigne comme victime
rêvée pour tous les petits dictateurs du collège.
Les seules plages de paix présentes dans l'album sont
des scènes où Lily se trouve dans les bois. Là, à
l'abri des regards, elle peut se laisser aller. Les bois
représentent une sorte de sanctuaire, un endroit où
l'on peut être vraiment soi. Mais même les bois de
Woodland ne sont pas à l'abri du regard des autres:
Lily en fera les frais, et ce regard posé sur elle
alors qu'elle se croyait "libre" et qu'elle se
laissait aller évapore d'un coup tout sentiment de sécurité
que les arbres pouvaient avoir provoqués.
Tout cela fait de The
Summer of Love un livre presque aussi étouffant que
Daddy's Girl. Même si la forme est beaucoup moins brutale et
fonctionne énormément par "non-dits", Debbie
Drechsler parvient à nous mettre mal à l'aise en
nous dépeignant ces petites scènes finalement
classiques de la vie d'adolescent dans les petites
villes des Etats-Unis. The
Summer of Love marque et fait froid dans le dos.
Olivier
Tropin
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Daddy's girl
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