Il
y a dans Irina Palm deux sujets de curiosité
et d’étonnement qui interpellent. Le premier,
c’est évidemment la présence de Marianne
Faithfull en grand-mère peu sexy,
amenée à travailler dans un sex-shop pour
réunir l’argent nécessaire à l’opération
seulement pratiquée en Australie permettant
d’enfin guérir son petit-fils. Le second, plus
anecdotique, c’est la nationalité du réalisateur
du film. Malgré son ancrage dans la banlieue
londonienne en proie au marasme économique et
social, Irina Palm n’est pas l’œuvre
d’un compatriote de Ken Loach ou Mike Leigh. Sam
Garbarski est en effet
cinéaste et scénariste français venu de
la publicité, qui met en scène en 2003 Le
Tango des Rashevski, chronique drôle et
tendre d’une famille juive.
Les
racines et le parcours de Sam Garbarski
expliquent donc que Irina Palm ne soit pas
un brûlot social mais bien plutôt une sorte de
conte (de Noël, compte tenu de l’époque où il
prend place) valorisant le digne sacrifice d’une
obscure et fade mamie pour sauver la vie de son
petit-fils adoré. Trop vieille et pas assez expérimentée
pour espérer trouver un job, Maggie désespérée
erre dans Londres et atterrit à Soho où une
annonce d’hôtesse – bon salaire garanti –
suscite sa convoitise. Dans ce bar très spécial,
Maggie comprend vite que le boulot en question ne
consiste pas à préparer le thé ou nettoyer
l’endroit. Il s’agit ici de toucher des
hommes, voire même de se faire toucher par eux,
en fonction des compétences et des atours de la
postulante. Pour Maggie aux mains si douces, le
sordide réduit muni d’un trou où les clients
passent leur bite qu’elle devra branler semble
tout indiqué. Dans le plus grand secret, Maggie
accepte de devenir employée de ce sex-shop
ringard et souterrain où vient s’épancher
toute la misère sexuelle sous le contrôle de
Micky, un patron moins inhumain qu’il n’y paraît.
Si
toutes les étapes qui conduisent à amasser la
somme nécessaire semblent balisées – de la
propre acceptation par Maggie d’ une activité
honteuse au rejet brutal de son fils unique ulcéré
de découvrir la provenance de l’argent que lui
offre sa mère – un aspect plus surprenant sauve
le film d’une mélasse prévisible. La femme
quelconque qui n’a jamais eu vraiment de vie et
s’est sacrifiée pour son fils et dorénavant
pour son petit-fils se transforme en Irina Palm,
la branleuse professionnelle et reconnue, qu’un
concurrent de Micky tentera même de débaucher.
La révélation au grand jour de son activité jugée
indigne laisse entrevoir sous un jour nettement
moins hypocrite et glamour les comportements
bassement intéressés de ses amies et du village
en général.
Irina
Palm est ainsi le portrait d’une femme
courageuse dont l’étrange abnégation aurait pu
donner lieu aux plus salaces des scènes. C’est
l’ écueil majeur qu’a su éviter Sam
Garbarski en instillant de l’humour et de la
cocasserie dans un endroit dont on penserait aisément
qu’il en fût dépourvu. La métamorphose de
l’espace glauque dévolu à Maggie en bureau de
travail avec photo au mur et bouquet de fleurs sur
la table est en soi succulente et c’est une
gageure de filmer Maggie dans l’exercice de sa
pratique sans jamais montrer le moindre sexe
masculin, astucieusement dissimulé derrière un
vase ou une bouteille Thermos.
On
l’aura compris : rien de graveleux ni de
gratuitement scabreux dans Irina Palm –
le film n’est accompagné d’aucun restriction
de public - qui, sans le faire exprès, démontre
que lorsque l’on ne sait rien faire reste
toujours l’option de devenir branleur patenté.
Ou comment tirer profit de son inadaptation au
monde à la seule force du…poignet.
Patrick
Braganti
Comédie
dramatique belge, britannique – 1 h 43 –
Sortie le 9 Mai 2007
Avec
Marianne Faithfull, Miki Manojlovic, Kevin Bishop
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