L’ambivalence
du titre qui renvoie directement à « Cosa
Nostra » , surnom de la mafia sicilienne,
peut semer le trouble et laisser penser que le
nouveau film de Francesca Comencini va être
une énième histoire de mafiosi, de trafic et de
corruption. Ce serait réducteur car A Casa
Nostra, trompeur dans son accroche et sa
bande-annonce, se révèle une belle surprise et dépasse
largement le cadre pressenti.
C’est
le type même du film choral qui unit dans une
sombre ronde une kyrielle de personnages dont les
destins vont progressivement se croiser, en
tissant ou détissant des liens amicaux, amoureux
ou affairistes. Tout se passe à Milan, ville emblème
de la réussite capitaliste de l’Italie de
Silvio Berlusconi, cité de la frime (centre européen
de la mode et du mobilier contemporain) et du
fric.
Il
y a donc dans A Casa Nostra un inquiétant
homme d’affaires qui imagine avec ses comparses
un délit d’initié, sa jeune maîtresse souvent
délaissée qui rêve à sa carrière de mannequin
et ouvre son lit à un amant opportuniste, un proxénète
roumain dont une des filles attire un pompiste au
passé trouble, une juge de la brigade financière
qui traque, via écoutes et filatures, les manœuvres
frauduleuses et qui tente de construire quelque
chose avec Matteo, un jeune artiste peu disposé
à s’engager.
La
mise en place assez longue des personnages obéit
à un dispositif curieux et ludique qui consiste
à nous les présenter par paire, couple légitime
ou pas d’ailleurs, avec des enchaînements qui
jouent sur la similitude des actions, le plus
souvent des rapports sexuels ou des transactions
d’argent. A Casa Nostra se termine là où
il aurait pu commencer, à savoir l’intervention
de la police et l’ébranlement envisagé du réseau
et des combines de l’homme d’affaires corrompu
et corrupteur. Entre-temps, Francesca Comencini
complexifie son récit au fur et à mesure en épaississant
la personnalité et le parcours des protagonistes.
Le businessman cynique et magouilleur est hanté
par la disparition il y a sept ans de son enfant
qui a provoqué la dépression de sa femme pour
laquelle il est prêt à tout entreprendre pour
l’aider. La jolie mannequin soudain rejetée
sombre dans la cocaïne, son amant récupéré et
manipulé laisse pourrir sa vie au contact de
l’argent sale et facile.
Car
ici, le nerf de la guerre, c’est bien sûr le
fric roi qui circule, s’échange et permet
d’acheter tout, sauf le bonheur et la sérénité.
A l’image d’une ville grise et bétonnée, où
tout semble en chantier dans une atmosphère
glauque encore renforcée par la magnifique photo
de Luca Bigazzi qui oppose extérieurs
livides aux intérieurs luminescents , A Casa
Nostra, qui embrasse l’Italie toute entière,
dépeint un monde en pleine déshumanisation aux
mains de nouveaux riches sans scrupules, déboussolé
par de nouvelles mœurs qui rendent chimériques
et inatteignables les projets privés.
Francesca
Comencini, déjà convaincante avec J’aime
travailler, est une femme engagée qui prône
un cinéma d’actualité politique immédiate,
mais toujours empreint de sensibilité et de
tendresse. L’émotion est donc au rendez-vous
lorsque la réalisatrice se concentre sur les péripéties
tragiques des personnages et sa survenue rend plus
indulgent quant à un scénario parfois un peu
trop contraint et la volonté délibérée d’une
recherche à tout prix de la coïncidence et du
recoupement.
Patrick
Braganti
Drame
italien – 1 h 39 – Sortie le 18 Avril 2007
Avec
Valeria Golino, Luca Zingaretti, Giuseppe
Battiston
Plus+
www.acasanostra-lefilm.com
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