cinéma

A Casa Nostra de Francesca Comencini

[4.0]

 

 

L’ambivalence du titre qui renvoie directement à « Cosa Nostra » , surnom de la mafia sicilienne, peut semer le trouble et laisser penser que le nouveau film de Francesca Comencini va être une énième histoire de mafiosi, de trafic et de corruption. Ce serait réducteur car A Casa Nostra, trompeur dans son accroche et sa bande-annonce, se révèle une belle surprise et dépasse largement le cadre pressenti.

 

C’est le type même du film choral qui unit dans une sombre ronde une kyrielle de personnages dont les destins vont progressivement se croiser, en tissant ou détissant des liens amicaux, amoureux ou affairistes. Tout se passe à Milan, ville emblème de la réussite capitaliste de l’Italie de Silvio Berlusconi, cité de la frime (centre européen de la mode et du mobilier contemporain) et du fric.

Il y a donc dans A Casa Nostra un inquiétant homme d’affaires qui imagine avec ses comparses un délit d’initié, sa jeune maîtresse souvent délaissée qui rêve à sa carrière de mannequin et ouvre son lit à un amant opportuniste, un proxénète roumain dont une des filles attire un pompiste au passé trouble, une juge de la brigade financière qui traque, via écoutes et filatures, les manœuvres frauduleuses et qui tente de construire quelque chose avec Matteo, un jeune artiste peu disposé à s’engager.

 

La mise en place assez longue des personnages obéit à un dispositif curieux et ludique qui consiste à nous les présenter par paire, couple légitime ou pas d’ailleurs, avec des enchaînements qui jouent sur la similitude des actions, le plus souvent des rapports sexuels ou des transactions d’argent. A Casa Nostra se termine là où il aurait pu commencer, à savoir l’intervention de la police et l’ébranlement envisagé du réseau et des combines de l’homme d’affaires corrompu et corrupteur. Entre-temps, Francesca Comencini complexifie son récit au fur et à mesure en épaississant la personnalité et le parcours des protagonistes. Le businessman cynique et magouilleur est hanté par la disparition il y a sept ans de son enfant qui a provoqué la dépression de sa femme pour laquelle il est prêt à tout entreprendre pour l’aider. La jolie mannequin soudain rejetée sombre dans la cocaïne, son amant récupéré et manipulé laisse pourrir sa vie au contact de l’argent sale et facile.

Car ici, le nerf de la guerre, c’est bien sûr le fric roi qui circule, s’échange et permet d’acheter tout, sauf le bonheur et la sérénité. A l’image d’une ville grise et bétonnée, où tout semble en chantier dans une atmosphère glauque encore renforcée par la magnifique photo de Luca Bigazzi qui oppose extérieurs livides aux intérieurs luminescents , A Casa Nostra, qui embrasse l’Italie toute entière, dépeint un monde en pleine déshumanisation aux mains de nouveaux riches sans scrupules, déboussolé par de nouvelles mœurs qui rendent chimériques et inatteignables les projets privés.

 

Francesca Comencini, déjà convaincante avec J’aime travailler, est une femme engagée qui prône un cinéma d’actualité politique immédiate, mais toujours empreint de sensibilité et de tendresse. L’émotion est donc au rendez-vous lorsque la réalisatrice se concentre sur les péripéties tragiques des personnages et sa survenue rend plus indulgent quant à un scénario parfois un peu trop contraint et la volonté délibérée d’une recherche à tout prix de la coïncidence et du recoupement.

 

Patrick Braganti

 

Drame italien – 1 h 39 – Sortie le 18 Avril 2007

Avec Valeria Golino, Luca Zingaretti, Giuseppe Battiston

 

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www.acasanostra-lefilm.com