On
a bien failli passer à côté du nouvel opus de IAM.
C’est d’ailleurs sans doute un des effets pervers du
retour du rock mélodique et des productions hip hop de Timbaland,
Neptunes et consorts. En fait on a plus trop l’habitude d’un
disque de Rap qui jase, d’une production hip hop qui
revendique par les mots, une galette où le flow n’est
pas qu’une rythmique, qu’un gimmick, mais sert de
vecteur aux idées. On est plus habitué à une certaine
tradition française, qui de Barbara
à Ferré, use de la musique pour passer des idées, des images, des
messages autres que sa liberté de penser du mal du fisc
ou sa revendication de dur à cuir né en cité,
« parce que c’est la jungle gros, et moi j’y
suis un piranha ». Du coup une première écoute,
nous avait fait juger saison 5 de la sorte :
« tin ça parle trop c’talbum. Sont où les
gimmicks marseillais ? ». On a pris, depuis,
le temps de se poser pour réécouter l’album et évaluer
l’inavouable bêtise d’un premier jugement hâtif.
Parce
que le nouvel IAM
c’est justement ça. Un album qui parle. Comme le new whirl odor de Public
Enemy paru en 2006 parlait. La précision d’une
production musicale réduite à une bien plus simple
expression que revoir
un printemps. L’urgence d’un album emballé en
moins de trois mois. La pertinence d’un disque qui dit
ce que voient une poignée de quasi quadragénaires, nés
dans un des ghettos hexagonaux, mais ne le revendiquant
pas comme un art de vivre. Des parents inquiets face une
politique qui a oublié que le black blanc beur de 98
n’est pas ou ne devrait pas être qu’une jolie image
pour la coupe du monde. Un album qui raconte une famille
de musiciens et de créateurs unis autour d’un art de
vie, d’un style et d’une identité musicale. Une
famille soudée contre une certaine vision du monde, un
clan qui fait front pour montrer que malgré les années
de présence dans le paysage, les rois de la planète
Mars n’usurpent pas leur trône.
Du
coup, on est effectivement un peu surpris à la première
écoute.
Akhenaton et Shurik’n
tiennent le crachoir de manière logorrhéique. On se
dit que la saison
5 de la série IAM
sera celle contenant le plus de mots, des introspections
et l’avènement du sentiment. On n’a pas tout à
fait tort. Chill
parle d’un alter ego qui flippe le gun dans le sac,
avec la peur des représailles sur sa moitié. Shurik’n
s’invente travailleur immigré épris d’une jeune
fille bien de chez nous. Mais aussi et surtout IAM
fustige une politique qui semble oublier la différence,
ou ne la voir que quand ça arrange. Sur offishall
et ça vient de la rue, singles probables (ou en tout cas futurs
cartons sur Itunes), le discours est clair direct et
sans fioriture. Il existe une autre France, qui monte,
qui monte ; soutenue par des rythmiques simples et
des samples discrets mais quasi martiaux (on songe à
quelque relecture des premiers Wu-tang
passés à la moulinette de l’ordinateur). Ce sont
d’ailleurs ces deux titres, immédiatement fredonables,
qui nous rappellent et démontrent que le flow de IAM
ne serait rien sans la capacité de son homme de
l’ombre à fourbir des armes sonores au moins équivalentes
à la qualité des mots. Tout l’album est à
l’avenant : subtil mélange de propos non politisé
mais éminemment idéologique et de loops efficaces mais
discrets.
Y’a
pas à dire, notre première écoute nous a pris en traître,
comme un mauvais spoiler de série culte chopée, avant
diffusion, sur le net. Une vision déformée, irréelle
et nous gâchant même un peu les effets de surprise.
Parce que la saison
5 de IAM
est un des sommets de la série. La saison précédente
nous laissait un effet de surenchère de l’esthétisme,
soit des épisodes très bien torchés, mais un peu
moins tendus. La nouvelle saison nous plonge directement
dans l’âme des protagonistes, au plus près de leur
ressenti. La caméra sonore suivant cette volonté au
plus proche. Le cadreur bouge un peu oui, mais le
producteur s’en moque. L’importance ici c’est
l’humain, et ce qu’il a à dire, à faire, à
expliquer, à démontrer par le rap. Saison
5, une grande année.
Denis
Verloes
Tracklist
01.
W.W.
02.
Une autre brique
03.
Hip hop ville
04.
Tu le sais
05.
Offishall
06.
Nos heures de gloire
07.
Ca vient de la rue
08.
To the world
09.
Le style de l’homme libre
10.
Rap de droite
11.
Il en faut peu
12.
Si tu m’aimais
13.Sur
les remparts
14.
Rien de personnel
15.
Coupe de Cake
16.
Au quartier
17.
United
Durée :
66’
00’’
Date
de sortie : 2 avril 2007
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