Dans
son premier et remarqué livre : Accès
direct à la plage, Jean-Philippe Blondel
tissait une toile sur plusieurs années autour
d’une vingtaine de personnages partageant
notamment les mêmes lieux de villégiature, soit de
petites stations balnéaires.
Sur un mode similaire : le roman dit choral qui
met en présence et en connexions plusieurs
personnes, l’auteur a choisi cette fois de se
concentrer sur quelques habitants d’ un quartier
d’une ville soudain décontenancés par
l’apparition d’un graffiti sur le mur d’une
propriété. Celui-ci est juste composé de quatre
chiffres à la peinture rouge formant une date :
1979.
Une
année lourde de sens, de souvenirs pour la plupart
des protagonistes du roman qui s’expriment tout à
tour en des monologues, sortes de réflexions à
eux-mêmes ou de propos déclarés à une tierce
personne qui pourrait être l’auteur. Nous n’en
dirons pas davantage, car il faut préserver la découverte
et l’imprégnation progressives. Lire 1979
d’une traite (170 pages le rend possible) est le
meilleur conseil à donner.
Il
est frappant de retrouver ici tout ce qui a fait le
charme du premier ouvrage de Blondel. Même
si l’intrigue se double d’un jeu façon Cluedo,
puisqu’il y a un vrai mystère sur l’identité
du graffiteur qui plane tout au long du livre, il
n’en demeure pas moins l’extraordinaire talent
à planter en quelques lignes le décor d’une vie.
On reste de nouveau émerveillé par la capacité de
Blondel à se fondre dans la peau de tous ses
personnages : hommes ou femmes, jeunes ou
vieux, heureux quelquefois ou malheureux le plus
souvent.
Bien
sûr, d’aucuns émettront des réserves quant au
style ou à l’aspect un peu trop fabriqué,
artificiel de ces histoires. Quelque part, pourrait
bien poindre l’idée d’un faiseur certes
talentueux, mais faiseur tout de même. Blondel,
me semble t-il, n’est pas à jauger sur ce type
d’arguments.
Le problème, et ce n’en est certes pas un évidemment,
c’est ce que dégage et exprime 1979 et qui
personnellement me séduit, et va même dans les
dernières pages jusqu’à me bouleverser. Comme
l’avait fait il y a quelques années un autre
auteur également décrié et accusé de facilités :
Jean-Claude Izzo dans Le soleil des
mourants.
Pourtant,
je reste persuadé que ces deux-là, au moins unis
par la connaissance du genre humain qui se traduit
en optimisme tendre et en pessimisme ironique, ne
trichent pas. Il apparaît indéniable qu’ils
travaillent avec leurs tripes, probablement leur
propre vécu et leur amour lucide et authentique de
l’Autre.
Plus
simplement aussi, Blondel, comme Izzo
dans un autre registre, nous raconte des destins façonnés
par les coups durs, les déceptions et les espoirs
à travers des vies individuelles mais qui finissent
par toucher à l’universel.
La
notion étroitement liée du destin et du hasard qui
relient les cheminements personnels est à
l’origine de romans ou de films qui comptent. En
son temps, le cinéaste polonais Kieslowski a
su la mettre en scène dans ses films.
A
cet effet, le style Blondel, déjà
entr’aperçu dans son premier roman, reste proche
d’une écriture cinématographique et on attend
avec impatience le réalisateur qui voudra bien
s’y coltiner.
En passant avec brio l’écueil de la seconde fois,
Jean-Philippe Blondel confirme, et c’est
tant mieux, son talent d’observateur du genre
humain et sa capacité à le mettre en scène dans
une histoire gigogne, preuve d’une imagination
absolument pas prise en défaut. La magie continue
ainsi à opérer et fait renaître la même attente
du prochain ouvrage.
Patrick
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