Kirsty Gunn fête ses 44 ans. En cette journée spéciale, elle se
rend avec son mari et leurs deux petites filles dans
la brasserie où ils entassent leurs plus beaux
souvenirs. Ce soir-là, l'écrivain s'aperçoit
qu'elle n'a pas écrit une ligne depuis la naissance
de ses enfants. Son mari lui demande quand elle se
sentira capable de se "remettre pour de bon à
écrire quelque chose".
Oui, très bonne question. Un simple regard vers ses
petites filles et c'est un flot de pensées qui
l'assaille. Car Kirsty vit et travaille chez elle, complètement
dédiée à ses enfants, incapable de s'enfermer
dans un bureau pour plancher sérieusement. Non, il
lui faut sa table sur le palier, les bruits
familiers, le dérangement, la bousculade.
Alors d'accord, elle relève un défi incroyable :
consigner 44 textes pour marquer l'année à venir,
pour parler de la "vie d'écrivain à la
maison". Quarante-quatre fragments de genres
différents qui ont une chose en commun : ils sont
écrits par cette femme qui vit à cette époque de
sa vie une existence pleine, nourrie sur le plan
imaginaire par ce qui se passe dans son univers
familial.
Un univers riche, intéressant et stimulant.
Car autre constat amer : Kirsty Gunn s'aperçoit
qu'on parle très peu de la vie domestique dans la
littérature, que ce n'est pas un thème abordé
dans les livres, que les auteurs font l'impasse sur
cet ordinaire qui est pourtant le lot quotidien de
la plupart d'entre nous.
Pourquoi ?
Voilà un peu comment se compose ce livre. Il est étrange,
biscornu, rapiécé, raccommodé, un patchwork de poèmes,
d'essais, de nouvelles, de haïkus... J'ai particulièrement
apprécié les passages éclairant sa vie
personnelle, familiale, ses questions et ses pensées
sur la lecture faite aux enfants, sur le symbole de
la mer dans la littérature, son dernier roman, sur
du futile (les bikinis, les spartiates) ou du lourd
(la maladie de sa soeur). Il y a aussi beaucoup de
citations d'autres auteurs, des extraits qui donnent
envie de découvrir ces autres ouvrages.
Pour une expérience originale, il faut reconnaître
que la néo-zélandaise Kirsty Gunn a réussi son
joli pari !
A noter que, pour respecter la voix et la musicalité
de Kirsty Gunn, l'éditeur a choisi de ne pas
traduire ses poèmes et d'être ainsi fidèle à
l'originalité de son projet.
Stéphanie
Verlingue
Date de
parution : mars 2007
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