Premier
abord, premières méfiances. Ce
livre a tout de l'objet branché, "hype",
capable de contenter le lecteur des "Inrotechnichronikarmagic
!" comme les adeptes de name-dropping à la Frédéric
Beigbeder. Que ce soit dans sa structure narrative comme dans son
sujet à la fois
casse-gueule et archi-rebattu, le second
livre de Franck
Ruzé (0 %)
s'affirme d'emblée comme un potentiel
objet culte, un pur produit pop-art de consommation
rapide, jetable et éphémère.
Donc indispensable.
Et
666 est exactement ça. Mais un peu plus encore…
Pour
résumer succinctement, ce sont les portraits de
jeunes adultes contemporains. L'un est une rock-star
adulée, alternant concerts furibards et tournées
cocaïnées, prostituées de luxe et groupies prêtes
à se damner pour une nuit avec lui. L'autre est une
jeune femme souffrant de multiples troubles
(anorexie, dépression, manque d'amour) qui passe
son existence dorée à la gâcher dans de multiples
transgressions psychologiques.
Plus
que cette trame, souvent étudiée dans les écrits
de Bret Easton Ellis, c'est surtout le rythme trépidant
et saccadé de ce roman qui en fait sa force.
La
première partie, surtout, est presque un long
monologue, un seul bloc de phrases sur plus de 92
pages ; une frénésie de mots, de sensations,
de situations plus ou moins fortes, qui ressemble à
un long vomi narratif, un déversoir de toutes les
expériences que vivent les protagonistes en mal de
"trash". La jeunesse dorée, vaine et
extravertie, qui masque sa grande solitude dans un
trop-plein de débauche et de sensations.
"Bouffe la vie avant qu'elle ne t'avale"
semble être le credo du héros, à la fois
personnage cynique et tragique, qui narre de manière
épileptique sa vie trépidante mais terriblement
vide et sans intérêt.
La
seconde partie, plus convenue, oscille entre
catalogue de clichés sur le mal-être des
adolescentes du 21ème siècle, et belles idées d'écriture
: parfois, un mot est suivie d'une * qui renvoie à
un supposé "bas de page". Mais celui-ci
devient en fait une grande parenthèse de trois
pages, comme si le mot amenait un autre sujet qui
parasite la pensée principale de l'héroïne. Pour
le reste, succession de pensées banales sur
l'amour, la solitude, l'individu et sa place dans la
société... Bof.
Franck Ruzé offre avec son 666
un portrait acide et nerveux de la jeunesse
branchée, un manifeste post-moderne d’un monde désenchanté,
un cousin français au Moins que Zéro d’Easton
Ellis. Malgré quelques défauts inhérents à
son sujet pas follement original, c’est plutôt la
forme, speedée et confuse, rendant bien compte de
la superficialité et de la vacuité de ses
personnages, qui emporte l’adhésion.
Jean-François
Lahorgue
Date
de parution
: 17/8/2006
Plus+
Franck
Ruzé - 0%
www.myspace.com/franckruze
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