Il existe une théorie facilement démontrable par une loi
de probabilités qui prouve que chaque terrien est
relié à n’importe lequel d’entre eux par sept
personnes au maximum. De manière moins globalisée,
les notions de rencontres et de cheminements, de
destins qui se croisent et se recroisent, fruits de
hasards ou de choix, exercent chez moi une grande
fascination. Le cinéma de R. Altman ou de K.
Kiewloski a toutes mes faveurs. C’est pourquoi
le premier livre de ce prof d’anglais champenois
m’a t-il d’emblée séduit par son sujet :
un patchwork de personnages suivis sur une trentaine
d’années dans quatre endroits de villégiature
différents. Ainsi de 1972 à 2002, nous allons de
Capbreton à Hyères, puis de Perros-Guirec à
Arromanches côtoyer des hommes et des femmes aux
vies et aux parcours étroitement mêlés,
d’ailleurs parfois à leur insu.
Ce serait pourtant une erreur de réduire l’ouvrage de JP
Blondel, à peine une centaine de pages pour
vingt chapitres et quelques annexes, à un brillant
exercice comme une sorte de toile savamment tissée.
Non, là où Accès direct à la plage se
situe sans doute possible dans la lignée des grands
livres, c’est évidemment à cause du talent de
l’auteur à nous décrire en quelques lignes une
atmosphère, un trait de caractère ou même le vide
abyssal que peut constituer une vie humaine.
L’étendue des sentiments dépeints, du dégoût à
l’admiration, de l’abject au merveilleux, de la
haine à l’amour ne peut pas ne pas avoir en
chacun de nous une résurgence, un écho et il est
clair que chaque lecteur peut s’identifier aisément
à l’un ou l’autre des personnages. Le miracle
du livre est aussi de nous faire éprouver la même
palette de sensations à sa lecture. Parfois, trois
lignes peuvent suffire à vous faire entrevoir toute
l’horreur ordurière des hommes. Mais JP
Blondel n’est pas non plus tendre avec le
genre humain car le plus souvent, il met en avant
les mesquineries et les petitesses qui ternissent la
vie : conflits familiaux, divorces, déceptions
sentimentales ou amicales. Au delà de cette vision
pessimiste et sombre de l’humanité, l’auteur
excelle aussi à nous montrer la difficulté du
dialogue et de la constitution de liens durables.
Comment nous avons la triste habitude de juger de la
qualité de l’autre par sa seule apparence ou son
seul comportement sociétal, sans avoir le moindre
soupçon de ce que peut être sa vie réelle.
Cependant, le roman se clôture par l’histoire la plus
forte et la plus significative, qui vous prend
inopinément à la gorge et dont la seule genèse
pourrait amplement remplir un seul ouvrage. Je veux
y voir comme la volonté farouche de l’auteur à
croire encore aux belles histoires et aux grands
destins, même si cruels et tragiques.
2003 démarrait au cinéma avec la trilogie de Lucas
Belvaux, film multiple et choral par excellence
et se termine, en tout cas pour moi, par la découverte
de ce roman fantastique précédé d’une réputation
absolument pas usurpée.
Avec une écriture simple faite de phrases courtes, avec un
sens magnifique de l’empathie qui permet à JP
Blondel d’être au sens premier du terme tous
ses personnages, ce roman est bouleversant
d’universalité et tend à chacun de ses heureux
lecteurs un miroir de sa propre existence.
Editions Delphine Montalant
La maison bleue
77320 Thiercelieux
Tél : 01 64 03 75 54
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