Le
nouveau roman de Virginie
Lou parle de chaos. Chaos socio-politique, chaos
sentimental. Ou comment faire fusionner les désordres
de l’âme avec la volonté de contrer l’avancée
ordonnée du système économique mondial.
Ce
court livre, dense et poignant, démarre de manière
presque impersonnelle, avec la description d’une
manifestation altermondialiste à Rome qui tourne à
l’émeute, au cauchemar. Au milieu des fumigènes,
des cris et des corps, Aurélie cherche son fils
Arno. Ils se sont offert un dernier week-end mère-fils
dans la ville Eternelle, car Arno part poursuivre
ses études de violon au Canada. Ensemble, une
ultime fois avant le grand départ, avant le déchirement,
le couple presque illégitime s’offre une dernière
virée d’abord à Marseille, puis à la frontière
italienne, et, enfin, dernière étape sans réfléchir,
la capitale italienne qu’ils aiment tant.
Et
c’est là qu’ils se perdent, au milieu de cette
fièvre anti-capitaliste. C’est là qu’Aurélie
se rend finalement compte de la passion impalpable,
folle, obsessionnelle qui l’anime. Une passion
pour son fils qui est toujours resté à ses côtés
et qui l’abandonne pour Toronto. Arno avec qui
elle a tout partagé et qui la laisse sur le
carreau. Et ce week-end romain, cette dernière
chance d’être à ses côtés qui vole en éclats
quand son fils disparaît, emporté par la foule qui
gueule et qui souffre elle aussi.
Virginie Lou possède une plume unique. De manière très littéraire,
presque maniérée, intellectuelle, elle dissèque
parfaitement les tourments qui anime cette mère
possessive et aimante quand elle se sent esseulée
et en danger. L’écriture est sèche, précise,
ardente et très référencée (les passages sur la
ville de Rome, sa beauté et ses quartiers
pittoresques sont extrêmement bien rendus). On a
vraiment l’impression d’être à la fois au cœur
de l’âme d’Aurélie, et au cœur de la
manifestation qui déborde.
Lou manie l’intime et l’Histoire, ancienne (description
minutieuse de l’Antique Rome) comme récente (l’altermondialisme),
de manière fort habile. A coups de pensées cassées
par une phrase brisée, de points de suspension
nombreux, de jeux de mots ardus et de phrases en
italique, l’auteur déploie un arsenal littéraire
stupéfiant, une base impeccable pour un sujet
ambitieux, maîtrisé et convaincant. Les dernières
pages en particulier, recentrées sur la recherche
éperdue du fils et sur le changement brusque des
attitudes et des pensées de départ, sont
bouleversantes et terriblement émouvantes.
Allegro
Furioso,
qui se conclut par une remise en question des
sentiments qui nous anime quand des événements
brusques viennent bouleverser l’ordre établi, ose
être le roman enfiévré et prenant que nous
attendions depuis pas mal de temps.
Jean-François
Lahorgue
Date de
parution : février
2007
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