Non, ceci n’est pas un roman, mais bien un livre
d’une telle force qu’on visualise les
personnages, et qu’on se prend à imaginer que
c’est auto-biographique, et pourtant... La romancière
irlandaise Jennifer Johnston nous livre ici
un livre magnifique sur le deuil, sur la difficulté
à accepter la disparition d’un être cher, à
travers l’histoire d’Imogen qui, à
l’aune de l’âge adulte, va devoir apprendre à
trouver sa place au sein d’une famille irlandaise
lourde de secrets.
Jouant lui-même le jeu du réel, le livre se lit
comme le journal intime d’Imogen qui se
rappelle les années passées, celles où, encore
enfant, elle décida un jour d’arrêter de parler,
ce qui conduisit à son hospitalisation dans une
clinique privée à un âge où l’innocence
devrait être de règle, pour apprendre peu de temps
après la disparition en mer de son frère ainé,
complice imaginé de son enfance, mais frère dont
elle se rendra compte après coup qu’elle a au
fond très peu compris. Et ce livre s’identifie
lui-même comme une nécessité, « comme un
cri du coeur, un message d’espoir lancé dans le
vaste univers », pour que le frère tant
aimé dont elle ne veut pas accepter la disparition
reprenne enfin contact.
Imogen,
adolescente elle-même mal comprise par son
entourage et comprenant mal elle-même ce qui lui
arrive, prenant les choses « trop à coeur »
jusqu’à préférer s’enfermer dans un mutisme
et une solitude pour mieux se retrouver, voici donc
livré un portrait très juste et touchant d’une
jeune femme en quête d’elle-même. Jeune femme
suffisamment intuitive pour comprendre que le
silence permet souvent une écoute plus fine, qui
rend du coup plus sensible à la vérité (ou à la
fausseté) des autres et de soi-même.
A travers également ce portrait groupé d’une
famille si banale en apparence et pourtant si
singulière qu’elle intrigue, le livre pose bien
aussi le problème de l’idéalisation excessive
qui nous fait souvent interpréter les événements
d’une manière qui nous arrange. Car au fond,
qu’est-ce que la réalité face à la force de
l’imaginaire ? Et sous un style épuré, direct,
qui colle tellement à Imogen qu’elle nous la fait
vivante, Jennifer Johnston nous emporte dans une
histoire qui nous questionne longuement sans livrer
de réponses. En bref, un livre très juste et très
émouvant qui est bien plus qu’un roman...
Cathie
Maillot
En
librairie le 22 août 2004
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