roman

Dominique Schneidre - Ce qu'en dit James

Éditions du seuil - 173p, 17€

[4.0]

 

 

Comment faire avec une toiture délabrée, un âge certain, un genou qui lâche, un compte en banque à découvert et une riche bibliothèque ? Demander conseil à des auteurs éclairés. Après tout, ils sont là pour leur imagination !
Alice est une septuagénaire attachante, charmante et pétillante. Face à son problème de toit qui fuit, elle décide de se tourner vers ses auteurs qui vivent à ses côtés dans sa petite maison, intervenant de ci, de là, posant une assiette de fromage sur la table avant de réprimander la dame qui ne cesse de s'aplatir, "Tolstoï fronçait les sourcils et arpentait le seuil de la cheminée comme si c'était la steppe russe, les mains croisées dans le dos" ou "Avec James, il est prudent de ne pas insister. Nos relations étaient un peu tendues depuis quelques jours".

Dominique Schneidre convie dans son histoire des écrivains illustres, depuis Kipling, Shakespeare, Henry James, Edith Wharton ou Lewis Carroll et leur donne la parole dans un étrange mais assez jouissif échange avec l'héroïne Alice. Une invraisemblable relation s'est établie dans ce foyer, une folie douce mais réconfortante, très stable aux yeux des milliers de lecteurs qui se reconnaîtront en Alice, "Abandonner mes livres si longtemps me déstabilisait. Il en est ainsi à chaque visite de Basile. Il prend toute la place. (...) Mon lien avec les livres se distend et je me mets à vivre comme s'ils n'étaient plus qu'un décor, je leur bats froid et donne aux gens la première place. Quand je suis seule, tout est plus facile."
Les allusions ne manquent pas "les livres sont des bouées de sauvetage que seule ma grand-mère avait su me faire laisser sur le sable" et ne peuvent laisser insensibles, "Alice, vous qui vivez dans les livres, vous ne voudriez pas trouver quelque chose de beau à lire à la messe ?".
"Je ne sais pas si c'était une bonne façon d'équilibrer les relations avec Tolstoï... Soyons franche, quand je suis gaie, je n'ai pas envie d'avoir à m'en justifier auprès de lui. Léon Daudet, Lewis Carroll, Thomas Bernhard, Tchekhov ou Proust, voilà de bons compagnons ! Peut-être Mark Twain, à qui je n'avais pas fait signe depuis longtemps..."

Lancé par une ouverture primesautière, le roman poursuit son chemin vers des sentiers plus nostalgiques, vers l'enfance, le fils Basile et les amours perdues. Le problème du toit demeure en filigrane, leitmotiv des digressions d'Alice, mais les tête-à-tête avec les auteurs sont les plus intrigants, les dialogues, les interventions judicieuses et savantes, bref on ne demande que ça !
Délicieuse balade parmi les livres, aux côtés des écrivains qui nous hantent et des êtres de papier qui sont les compagnons fidèles des grands lecteurs, "Ce qu'en dit James" est un roman original et tendre, drôle et spirituel, truffé d'une érudition qui n'écrase pas mais vous transporte... Ce roman se déguste ! "Buvons à notre imagination plutôt qu'à nos souvenirs."

 

Stéphanie Verlingue

 

Date de parution : février 2007