Sous une forme de chronique au jour le jour qui démarre le
16 Juillet 2002 et se termine le 21 Août 2003,
(pourquoi ces dates d’ailleurs ?), Eric
Hazan au gré de ses pérégrinations aussi bien
dans son quartier parisien qu’à travers le vaste
monde nous livre ses réflexions sur l’état de ce
dernier. Réflexions pour le moins désenchantées,
sans beaucoup d’illusions, souvent teintées
d’un humour dévastateur, éternelle politesse du
désespoir, d’un médecin juif à l’affût
permanent des nouvelles du monde, d’ailleurs généralement
grâce à Internet. Réflexions également qui ne
doivent pas lui procurer beaucoup d’amitiés dans
le cercle parisiano-intello des idées toutes faites
et consensuelles, avec comme premiers visés les média
– lourde charge contre Le Monde et France-Culture
– et les politiques de tout bord – comparaison
affligeante entre les politiques de Tibéri et de
Delanöé.
Compte tenu du temps où se situe cette
chronique, l’ auteur s’intéresse surtout à la
guerre en Irak et au conflit israëlo-palestinien,
mais il évoque aussi tous les bruits de guerre
civile qui irradient la terre, du Paraguay en Tchétchénie,
des Etats africains en proie à la violence et à la
corruption à l’Indonésie. Noir constat d’un
monde en fin de course, même plus aujourd’hui régi
par l’affrontement passé de mode entre les blocs
russe et américain. Tous les dirigeants
s’accordent aujourd’hui à parler le même
langage et jettent aux orties les règles les plus
élémentaires, préférant nous abreuver de ces
nouveaux épouvantails ou leurres que sont la lutte
contre le terrorisme, le devoir de mémoire ou
aujourd’hui la montée de l’antisémitisme ;
le tout repris et décortiqué à l’envi par une
bande d’intellectuels et journalistes au seul
service des dirigeants.
Tout comme Ignacio Ramonet, dénonçant les phénomènes
de propagande, Eric Hazan s’emploie par une
lecture décalée et intransigeante de la presse
mondiale à nous montrer les manipulations et autres
exactions de nos dirigeants politiques et
financiers, dont la collusion à peine voilée
s’intensifie au regard de leurs agissements. Bush,
Poutine, Sharon et Berlusconi aujourd’hui. Blair,
Chirac (Juppé ?) et d’autres juste demain,
sans doute. Ainsi, pour ne parler que du seul
exemple français, l’auteur émet l’idée
terrifiante que l’appel au vote à Chirac au
second tour étrangement respecté avec plus de 80 %
des suffrages marque bel et bien la fin d’une époque :
celle de la social-démocratie en France.
Richement étayé d’extraits de livres
ou de revues de presse, donc simplement factuel, le
livre établit aussi des parallèles entre hier et
aujourd’hui, et plus précisément avec la période
des années 1840 qui comporte de nombreux points
communs avec celle actuelle. Quand on en connaît la
suite, il y a de quoi être songeur, sinon effrayé.
Nous saluerons donc comme il se doit le travail courageux
et tellement à contre-courant de cette maison d’éditions
La Fabrique créée en 1998 sous l’égide
de Hazan, placée à gauche de la gauche sans
esprit de chapelle, se voulant le porte-voix d’une
pensée libre, témoignage de penseurs ou
philosophes indépendants.
Malgré la terreur qu’il inspire, le journal de Eric
Hazan apparaît comme un îlot de résistance et
d’intelligence face à la pensée « mainstream »
et unilatérale du moment, bien parti pour durer, à
moins que « le cliquetis du couteau se
fasse entendre prochainement. »
Patrick
Editions La fabrique
64 rue Rébeval
75019 Paris
Site : www.lafabrique.fr
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