Voici
enfin traduites en français, à partir de la deuxième
édition revue et augmentée, les mémoires du célèbre
Pr. Günter Wanker, fondateur de la peepologie. Il
n’est pas besoin de présenter G. Wanker, qui par
la finesse de ses vues, la perspicacité de son
regard et la curiosité qu’il portait aux
fondements de notre société, a révolutionné les
sciences humaines de son temps. La fréquentation
assidue des peep-shows lui permit de bâtir cette théorie
audacieuse qui depuis a connu bien des développements.
Gilad Atzmon choisit la forme du document
fictif pour nous présenter la vie de son
personnage. Günter Wanker, c’est-à-dire Günter
Le-Branleur, est un raté génial, acclamé par
tous. Il devient un héros lors de sa brève carrière
militaire au sein de l’armée israélienne. Sa
carrière universitaire est plus que brillante. Et
tout cela à son corps défendant, corps qui ne
demande en fin de compte qu’à jouir. Ce Günter
obsédé par le sexe au point de baptiser le sien
Siegfried n’est pas très loin du narrateur de Moi
et lui de Moravia. Le sexe n’est ici
que le prétexte à un discours avant tout
politique.
En
ce sens, Guide des égarés pourra paraître
comme un simple pamphlet porno-politique. Mais où
est la pornographie ? Les fantasmes de Günter
sont, somme toute, assez galvaudés pour ne pas
choquer le lecteur actuel. Par contre, la réalité
qu’il dénonce, que ce soit la politique israélienne
ou nos propres sociétés, est sans doute bien pire.
La télévision est notre peep-show permanent et
gratuit, les malheurs du monde sont donnés en
spectacle, mais nous nous sommes bien au chaud de
l’autre côté de l’écran. On pourrait penser
à lire ce roman à la violence pornographique et dénonciatrice
d’un des romans de la dernière prix Nobel : Lust
d’Elfriede
Jelinek use
aussi de pornographie, d’exagérations verbales
pour dénoncer une forme d’asservissement. Force
est de reconnaître que l’écriture de Gilad
Atzmon n’est pas du même calibre. Ce roman se
lit bien, mais plus que de la littérature pure, il
s’agit ici d’idées. Gilad
Atzmon,
par ailleurs musicien de jazz, est un exilé ;
né en Israël, il vit depuis 10 ans en
Grande-Bretagne et publie régulièrement des
articles contre la politique de son pays natal.
Certains diront que son antisionisme frise l’antisémitisme
et qu’il emploie pour désigner ses
coreligionnaires un vocabulaire que ne renieraient
pas les extrémistes de droite. Mais il faut plutôt
y voir l’expression d’un pessimisme foncier face
à un peuple et surtout un Etat qui vont droit dans
le mur, en particulier celui de séparation entre
juifs et arabes. Pour Atzmon, si les juifs
ont un avenir ce n’est pas dans une culture du
ghetto, ce que tend à devenir Israël, mais par une
ouverture aux autres.
Cette
ouverture aux autres est manifeste dans le titre
choisi en référence à l’autre Guide des égarés,
celui de Maïmonide. Référence qui n’est
pas du tout blasphématoire, au contraire de ce
qu’on peut lire en quatrième de couverture. Gilad
Atzmon critique Israël en raison, entre
autres, de l’aspect mortifère de cet enfermement
d’un peuple sur lui-même. Maïmonide est
au contraire un modèle de l’ouverture : juif
de Cordoue, il naît dans l’Espagne musulmane,
contemporain d’Averroès, il sera plus tard le médecin
du sultan Saladin, et, dit-on, l’un de ses
conseillers. Maïmonide comme tout lettré du
monde musulman de l’époque connaît les
philosophes grecs, en particulier Aristote ainsi que
les philosophes et savants arabes, Avicenne,
Al-Farabi, etc. Enfin, et ce n’est pas rien, le Guide
des égarés est rédigé en arabe. Atzmon
ne blasphème donc pas en utilisant ce titre, il
rappelle à ses coreligionnaires que le dialogue des
cultures est essentiel et que le soutien
inconditionnel envers Israël en fait les nouveaux
égarés. « il faut se mélanger ! »
est pratiquement le seul mot d’ordre politique de
Günter Le-Branleur, même si c’est pour sa part
bien plus sexuel que politique.
Le
Guide rédigé par Maïmonide montrait aux
intellectuels juifs de son époque, eux qui étaient
“égarés”, le chemin qu’ils se devaient de
prendre. Il ne faut pas attendre d’un intellectuel
actuel un tel vade-mecum. Surtout de la part
de ceux qui se réclament de Heidegger ou des social
studies, voire des queer studies ;
eux qui en Europe ou aux Etats-Unis ont voix au
chapitre et se contentent en fait d’élucubration
creuses se voulant novatrices et provocantes. Atzmon
en raillant ces “penseurs » dessine en creux
ce que pourrait être un véritable Guide des égarés
pour le XXIème siècle.
Dominique
Fagnot
P.S. :
en vérifiant l’orthographe de ce texte, Word a
considéré comme fautif le mot ‘antisionisme’
et m’a proposé en lieu et place le terme ‘antisémitisme’.
Je sais que les défenseurs d’Israël font tout
pour que les positions critiques vis-à-vis d’Israël
soient assimilées à de l’antisémitisme, mais de
là à ce qu’un traitement de texte fasse de même !?
Par contre, il ne propose pas juif ou sémite
à la place de sioniste (terme dûment reconnu) !!
Date
de parution : 11/03/2005
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