Il
est des livres que vous détestez
aimer dès les premières pages, des romans malsains
qui vous agrippent aussitôt pour ne plus vous lâcher,
des récits de vie terribles mais qui restent
fascinants au fil des feuillets…incontestablement, le
premier livre de Nicolas
Cauchy, jeune écrivain résolument sadique,
fait partie de cette catégorie. Celle des livres
glacés et glaçants, terribles, mais aussi
terriblement attachants.
D’entrée,
l’auteur sait malmener son lectorat : le récit
est à la seconde personne du pluriel… C’est
un « vous » qui raconte l’histoire,
c’est le narrateur, le héros, mais ce « vous »
c’est aussi nous, les lecteurs, quasiment pris au
piège de cette implacable fuite en avant, ce faux
thriller aux accents romantiques, ce fol conte
rempli de nombreux flash-backs et de rebondissements
terribles.
« Vous »,
c’est avant tout Simon, père de famille
approchant la cinquantaine, et que l’on retrouve
au début du roman au volant d’une Porsche volée,
avec à l’arrière sa petite fille de 4 ans…ou
plutôt son corps inerte. Car Simon avoue dès les
premières pages qu’il est l’assassin de sa
propre fille. Et dès cet instant - dès cette
phrase « vous
avez commis l’irréparable », dès cette
litanie qui hante tout le roman, intervenant à
plusieurs reprises – dès ce moment, donc, le
malaise s’immisce et ne vous lâche plus.
Personnage immédiatement antipathique, Simon ne va
pourtant jamais le rester tout à fait. Alternant
descriptions de la cavale du père meurtrier et
retours sur son passé, proche comme éloigné, le récit
nous montre finalement que Simon est un époux et un
père de famille presque banal, assez froid mais prévenant
pour ceux qu’il aime, un peu fou, un peu
volage aussi (même si les regrets surgissent).
C’est un être surtout passionné : il adore
autant qu’il déteste. Il voue notamment une haine
quasi incompréhensible pour sa première fille née
d’un premier mariage, cette adolescente qui le répugne
et le trouble tout autant. Les pages sur les
relations entre elle et Simon sont effroyables,
presque agaçantes, et pourtant terriblement
humaines.
Voilà
pourquoi La véritable
histoire de mon père est difficile à aimer :
Cauchy
nous renvoie en pleine gueule le manichéisme qui
est caché en chacun de nous : on peut être à
la fois capable de tout quand on est passionné.
Jusqu’où va l’amour ? La raison ? La
folie ? L’auteur ne répond pas, surtout pas,
il ajoute en plus le doute, le doute sur tout ce que
nous avons pu éprouver à la lecture de cette tragédie.
Simon a du mal à « gérer ses émotions »
comme il l’avoue au détour d’une confession, il
en va de même pour le lecteur qui, à la fin, ne
sait plus quoi penser de ces personnages.
Premier
roman parfaitement maîtrisé, peut-être un peu
trop à mon goût, c’est un de ces courts romans
chocs, presque pervers, que vous lisez d’une
traite et qui vous laisse secoué d’émotions
diverses et dévasté. Soit un premier essai réussi.
Nicolas
Cauchy aimerait bien ne pas être aimé, mais
nous sommes tous un peu masochistes…
Jean-François
Lahorgue
Date de
parution : 2 février 2006
Plus+
www.nicolascauchy.com
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