Crimes à la demande
ferait un titre parfait pour un bon roman policier,
ce qu’est d’ailleurs – et autant le dire tout
de go – le dernier ouvrage de Carolyn G. Hart.
Mais voilà : ce titre idéal n’est en fait
que le nom de la librairie tenue par la jeune Annie
Laurance, quelque part sur Broward’s Rock, une
petite île au large de la Caroline du Sud.
Librairie qu’Annie a reprise et rajeunie après le
décès (accidentel ?) de son oncle Ambrose et
qu’elle a largement dédiée à la littérature
policière, notamment parce que cet endroit
paradisiaque est aussi devenu le refuge préféré
d’auteurs de policiers à succès. Annie aime tant
ce genre de livres qu’elle réunit régulièrement
chaque dimanche soir une belle brochette de ces
auteurs pour des conférences informelles et des
joutes oratoires. Charmants moments que
l’assassinat brutal de l’un d’eux au cours
d’une réunion fait soudain voler en éclats.
Très
vite Annie se retrouve la suspecte numéro un aux
yeux peu amènes et indulgents du chef de police
locale. Elle se sent obligée de mener sa propre
enquête pour prouver son innocence, secondée par
Max, un ex-petit ami dilettante et fortuné qui réapparaît
soudain.
Nous sommes dans la plus pure tradition du roman à
tiroirs et les ombres légendaires, parfois
pesantes, des grands auteurs anglo-saxons au premier
rang desquels Agatha Christie, planent tout
au long du roman. Les comparaisons avec les procédés
utilisés par les détectives de fiction sont légion,
mais elles tiennent plus du clin d’œil amusé que
de l’hommage figé.
L’auteur
s’embarrasse peu de descriptions longues et
tatillonnes. Elle se situe résolument dans
l’action et une perpétuelle inventivité qui nous
tiennent forcément en haleine, nous faisant dévorer
les 300 pages en quelques heures. La recette maintes
fois éprouvée qui consiste à clore chaque
chapitre par un nouveau suspens et d’éventuelles
pistes fonctionne toujours.
Il
est vrai que Carolyn G. Hart ne manque pas
d’idées ni de talent, ce qui explique aisément
les récompenses reçues dans les pays anglophones.
Hormis une intrigue brillamment ficelée, le petit
plus de ce livre, qui conduit à une adhésion définitive,
réside probablement dans la désacralisation du
mythe des auteurs policiers à laquelle Carolyn
G.Hart se livre avec un plaisir évident et
jubilatoire. Nous avons droit à un catalogue
presque exhaustif de toutes les turpitudes et
bassesses du genre humain, même quand il est
soi-disant cultivé et riche. C’est d’ailleurs
peut-être pire et Meurtre en librairie est
à cet égard un régal dans cette galerie incisive
et sans complaisance de personnages fourbes et
ambitieux.
Bien loin du polar noir et urbain, ou encore
sociologique, très en vogue dorénavant, ce roman
prenant, idéal pour la période estivale, simple et
efficace, reprend sans les altérer et avec talent
les procédés de la littérature policière
classique.
Patrick
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