Audrey
de Clairmont - Voleurs d'enfance
Éditions
Sekhmet - 2002
De prime abord, je me suis dit
"encore un livre sur la pédophilie ; après
le matraquage médiatique, voilà que la littérature en
remet une couche." Mais commençons par présenter
l’ouvrage. Il se compose de trois parties : les
deux premières parties relatent respectivement et sous
une forme autobiographique la douloureuse enfance de
Christine puis de Vincent, tout deux victimes des sévices
sexuels d’un pédophile. Les deux enfants sont issus
de milieux socioculturels différents. Christine vient
d’une famille Groseille et Vincent serait plutôt
un Lequesnois qui n’a plus de père et dont la
mère est très superficielle. La troisième partie nous
livre la rencontre puis l’amour difficile entre ces
deux êtres liés par un même et pénible passé.
On sent l’auteur
très impliquée dans ce roman, presque trop ; sa dédicace
"Je dédie ce roman à toutes les
victimes de pédophilie, sans distinction d'âge, de
sexe et parce que je sais le poids de la douleur. Que ce
roman aide chacun d'entre nous à lutter contre ce fléau
afin d'en éradiquer l'horreur" et son mot de
fin en sont de frappants exemples « Si tu
reconnais ta douleur au travers des pages de ce récit vécu,
alors : AGIS !!!
Ne garde pas le silence sur le fardeau que tu portes.
C'est la pire des solutions, celle qui donne le beau rôle
à des êtres monstrueux. Parle ! ose ! défends-toi !
Trouve la main tendue susceptible de te sauver de
l'enfer enduré. N'oublie jamais que l'amour existe,
qu'il est le plus fort et qu'il t'attend quelque part.
Courage et bonne chance, Ami. »
Il est vrai
que dans ce livre, les pédophiles ne sont pas dépeints
comme des malades victimes de pulsions irrépressibles
mais comme des êtres monstrueux, sévissant en pleine
connaissance de cause et poussant même le vice à
recommander les enfants à d’autres individus de leur
espèce.
J’ai alors eu envie de me documenter sur l’auteure
et j’ai découvert qu’à travers ce livre, c’est
d’elle qu’elle parle, c’est son histoire qu’Audrey
de Clairmont nous
révèle et l’association que fondent les deux
protagonistes à la fin de l’histoire est une référence
directe à l’association qu’elle a créée pour
venir en aide aux enfants victimes de pédophiles.
Même si Audrey de Clairmont
n’apporte
pas d’éclairage nouveau sur le phénomène de la pédophilie,
son ouvrage a le mérite de nous alerter et,
contrairement au matraquage médiatique qui, à la suite
de l’affaire Dutroux pouvait nous conduire à voir des
pédophiles partout, son livre invite les parents ou
futurs parents que nous sommes à une plus grande
vigilance quant aux changements d’attitude de nos
enfants. Il nous met en alerte, mais sans
catastrophisme. Dans l’histoire, les enfants souffrent
d’un réel déficit d’écoute et c’est là que le
bât blesse, car la jeune victime, rendue muette par la
violence et la honte ressenties, ne peut livrer que des signes fugaces de sa détresse et trop souvent
l’entourage n’est pas suffisamment réceptif pour décrypter
ces signes.
C’est donc l’aspect
didactique de l’ouvrage que je retiens et je pense
qu’une discussion précoce avec son enfant sur le thème
« mon corps m’appartient, personne n’a le
droit de me le prendre ou de lui faire violence contre
mon gré » serait un bon moyen de prévention. En
tant qu’enseignante en maternelle, je vais songer à
une manière d’intégrer le sujet auprès de mes
jeunes élèves.
L’univers littéraire d’Audrey de Clairmont
n’est pas tout rose et on le comprend aisément à la
découverte de
son passé. Les thèmes récurrents de ses poèmes et romans
sont la mort, l’amour, la solitude et la révolte. Amateurs de poésie, je vous enjoins à vous rendre sur son
site perso où vous pourrez lire quelques uns de ses
textes dont un bel hommage à Jean Moulin pour lequel
elle a reçu un prix.
Marie-Noëlle
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