roman

Régis Jauffret - Asiles de Fous

Éditions Gallimard, Folio - 252p, 5.60€

[2.5]

 

 

« Mais je répugnais à me voir exporté, dupliqué, je me considère comme un document original, unique, alors que d’une façon générale les gens me paraissent appartenir à une race aux exemplaires aussi difficiles à distinguer les uns des autres qu’un pigeon gris d’un autre pigeon gris. Il est vrai que les femmes se différencient des hommes, j’aime leur apparence, leurs organes. A mes yeux elles se ressemblent toutes, comme des jumelles monozygotes… »

 

Je ne sais pas si j’aime ce livre… En fait je vois trop dedans peut être ce que je n’aime pas et de facto pas assez le reste. Je l’aimerais un peu plus ce livre s’il était souillé par un peu plus de sacré, s’il était moins cynique et scintillant au milieu des décombres… S’il était moins vice et stupre, fœtus brûlés et viscères pourrissants au fond de peu folâtres cercueils ! Ces organes qui ne seraient rien si ce n’est que de l’organique au service de rien, ! Noir néant où l’humain ne serait pas plus que pas grand chose, alors que bon vous voyez bien vous qu’aimer les corps reste une chose essentielle ! Qu’aimer ce qui les fait fonctionner ces corps (les divers combustibles, les organes, les souvenirs) est une chose déterminante ! Et vous savez bien vous intuitivement que ce qui s’échappe de tout ça est essentiel (ou presque) ! L’émanation nécessaire des âmes, même quand le corps est retourné comme un gant, viscères et âme mêlés, l’amour…

 

Jauffret donc virevolte autour de ces questions… Jauffret est un drôle d’acrobate… mais un acrobate qui pirouette un peu trop avec les réponses du terrible fil-de-fériste roumain Cioran. Pour résumer à gros traits : il n’y pas grand chose à sauver nous ne sommes que le morne résultat d’un improbable accident aléatoire et l’humanité n’est qu’une mésaventure passagère ! Cioran étant un douteux doutant, on aurait aimé les réponses plus fluides de l ‘équilibriste Antonin Artaud et celles indéniablement plus coagulées de ce cher Georges Bataille, de l’humain oui voilà bref quoi, même tordu, calciné du restant de cogito, mais de l’humain ! Avec moins de distance et de détachement sardonique face à ce que nous sommes car nous sommes bien là, d’ailleurs je viens de me pincer et ça pince vraiment !

Pourtant accordons à Regis Jauffret le fait d’être très bon lorsqu’il se laisse entraîner, lorsque le flux de ses phrases prend la mesure de son cynisme, quand il bascule (l’acrobate chute) dans une sorte de burlesque simili post-beckettien (automatique sur de l’animé) où il y a du vomi dans l’autocuiseur, et où on retrouve l’humain, loin des seins tombant d’une sexagénaire fatiguée vus de haut et sans la perspective historique.

 

Sinon pour le “factuel” le livre est une curieuse et drôle autofiction filtré par du tordu … une rupture amoureuse, le beau-père, la belle-mère, tout ça, noir et cocasse faisant avec la folie et même avec des objets qui se révoltent. 

 

Philippe Louche

 

Date de parution en poche :  février 2007