Jean
Echenoz - Au piano
Les
éditions de Minuit - 2003
Max Delmarc, est un pianiste de renom pas antipathique,
plutôt portée sur la bouteille mais dont la vie parait
bien terne. Peu sûr de lui et en proie au doute perpétuel,
il se sert de l’alcool pour surmonter son angoisse de
mal faire. De plus, Il est amoureux d’une femme fantôme
prénommée Rose, qu’il croise dans la rue mais ne
parvient pas à aborder. Finalement il mourra connement
d’un coup de couteau porté par un voyou. Mais cette
fausse fin n’est pas vraiment surprenante étant
donné que dès les premières pages le fait divers était
clairement annoncé : « Max va mourir dans 22
jours ».
Donc au tiers du roman Max n’est plus et pourtant le
roman est loin d’être terminé puisque pour lui une
nouvelle vie commence, dans un autre monde, une sorte de
maison de repos où les choses ne sont plus vraiment
pareilles que dans la vie et où l’on peut rencontrer
des personnes un peu désuètes telles que Doris Day
ou Dean Martin (rien que ça !)
Jean Echenoz dont au piano est le onzième
roman s’amuse une fois de plus à jouer avec les codes
de la littérature classique en faisant mourir son héros
pour mieux le ressusciter et ainsi nous offrir une fois
de plus un roman atypique, drôle, servi par une écriture
fine et vivante à laquelle il est difficile de ne pas
s’attacher. Comme à son habitude il mêle avec
bonheur le roman d’aventure, d’espionnage ou le
roman de voyage en adoptant un ton distancié qui rend
les choses qui semblent les plus graves, au fond,
totalement dérisoires.
Roman sur la mort joyeuse ou triste,
roman sur l’au-delà ou sur la réincarnation en soi,
on peut considérer qu’Au piano est tout cela
sans que ce soit vraiment ça. Car une fois de plus Echenoz
donne corps à ses personnages avec une réelle
sensibilité et un vrai talent de narrateur dont il
abuse toujours un peu en jouant constamment avec le
lecteur, en lui faisant quelques clins d’œil par-ci
par-là.
Echenoz est bel et bien un écrivain de plaisir,
comme on parle de vin de plaisir, un romancier qui sait
mettre le lecteur à l’aise, qui sait le divertir en
lui servant un texte d’une grande richesse
stylistique, un texte à la fois léger et complexe,
limpide et précis.
Avec la mélancolie et ce ton
doux-amer qui caractérise si bien son œuvre, Jean
Echenoz nous comble une fois de plus de bonheur avec
un roman éclatant, inventif et absolument jubilatoire
qui, aussitôt les pages refermées, nous fait dire que
le temps sera long jusqu’au prochain roman.
Benoît
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