Voici
un petit livre monacal, d’une simplicité déroutante,
et qui sait pourtant parler avec beaucoup de
justesse et de sensibilité de la difficulté à
vivre un deuil. Lydia Flem, psychanalyste et
auteur à ses heures de livres sur Freud
ou Casanova, raconte ainsi tout simplement ce
qui se passe, ce qui se vit… quand on est amené,
après un décès, à vider la maison et les
affaires personnelles d’un être cher. Acte qui
n’est pas anodin puisque faisant remonter à la
surface non seulement le passé, mais toutes sortes
d’émotions, y compris les plus ambivalentes.
« L’héritage n’est pas un cadeau.
Comment recevoir des choses que l’on ne vous a pas
données ? »
C’est autobiographique puisqu’elle a été amenée
à vider, elle, la maison de ses parents, après
leur décès à plusieurs mois d’intervalle. Et
pourtant, au-delà de son histoire personnelle, elle
sait ramener tout cela à quelque chose
d’universel, qui concerne tout un chacun !
Difficile, en effet, de ne pas se reconnaître à
certaines pages… de ne pas être frappé par la
justesse des sentiments complexes qui sont ici décrits
sans complaisance, sentiments où se mélangent
« rage, oppression, peine infinie, irréalité,
révolte, remords, étrange liberté… ».
« Rien ne nous est indifférent dans la
maison de nos parents ». Et le fait de
toucher ces objets qui portent parfois le poids de
toute une histoire, de décider d’en garder
certains, d’en jeter d’autres, tous ces gestes
banals et apparemment insignifiants reflètent bien
des choses, sont porteurs de bien de traces
inconscientes, qui se transmettent parfois de génération
en génération… « Les choses ne sont pas
seulement des choses, elles portent des traces
humaines, elles nous prolongent. » Et ce
travail de deuil, ce « travail du vide »
comme dirait Freud que l’auteur cite à
plusieurs reprises, ne se fait jamais simplement. Et
nécessite du temps, et une lenteur qui
s’accommode parfois mal avec les urgences du
quotidien et de la vie qui continue, elle.
A travers son histoire, Lydia Flem parle
aussi, l’air de rien, de cette deuxième génération
de juifs, celle dont les parents, comme les siens,
sont des anciens rescapés de camps nazis, et qui
ont continué à vivre (survivre) en ne voulant
surtout pas évoquer ces traumatismes terribles.
Refuser de dire l’indicible, préférer se taire
en pensant préserver ainsi ses enfants. Cette génération
donc qui, comme elle le précise, « doit se
battre pour vivre en son nom propre, pour vivre sa
propre histoire… loin de leur mémoire traumatisée ».
Poids du secret, des non-dits, des silences qui pèsent
plus encore lors de la période de deuil, et qui
remontent parfois avec une grande violence. « Ce
que je savais, je ne pouvais pas le savoir, ils
n’avaient pas voulu que je le sache. C’était un
savoir interdit. Entaché d’horreur, de honte, de
déni, un savoir saisi dans la glace, pétrifié. »
L’écriture fait ainsi office de thérapie, comme
le précise Primo Lévi qu’elle cite :
« j’écris ce que je ne pourrais dire à
personne ».
Très joli livre donc, tout à la fois grave et
parfois drôle, au style épuré, porteur d’une émotion
pudique et d’une beauté noire, et qui reste
longtemps en mémoire. Livre aussi à offrir à un
proche en période de deuil, car il exprime
simplement ce qu’il est parfois très difficile à
faire passer.
Cathie
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