Plus
de quinze ans après les derniers combats, la guerre
civile, qui a détruit le Liban de 1975 à 1989 et
laissé des séquelles irréparables, est encore un
tabou pour les Libanais. Cette période est
pudiquement passée sous silence, comme si le
mutisme de ses acteurs et de ses victimes pouvait
ainsi faire oublier toutes ces années de
souffrance. Dans son court récit autobiographique, L’école
de la guerre, l’écrivain francophone Alexandre
Najjar (né en 1967) brise cette loi du silence.
Son retour au Liban après sept ans d’absence est
l’occasion de raconter la guerre du Liban telle
qu’il l’a vécue dans son enfance et son
adolescence (il avait huit ans au début des
combats, vingt-trois à la fin des hostilités).
Le
style d’Alexandre Najjar dans ce récit est
très simple, quasi minimaliste. Chaque chapitre est
une petite scène contant une anecdote de ces années
sombres. On est loin des récits sensationnels qui
ont pu inspirer certains journalistes en temps de
guerre. Bien au contraire, les mots sont simples,
choisis avec précision, évitant toute comparaison
excessive ou toute mise en scène racoleuse.
Pourtant, les scènes décrites font souvent revivre
l’horreur : une balle perdue qui vient se
nicher dans le thorax du narrateur, un milicien qui
se fait égorger en pleine rue sous les yeux des
enfants, les voisins qui viennent s’entasser dans
un cinéma où ils ont trouvé refuge le temps des
bombardements… Par brides, Alexandre Najjar nous
confie des bouts de son enfance.
Si
le récit ne tombe jamais dans le risque du misérabilisme,
c’est qu’il ne prétend pas se prendre au sérieux.
Au contraire, dans certains chapitres le narrateur ménage
un certaine humour. Mettant à distance la naïveté
propre à l’enfance, il porte parfois un regard
amusé sur ces années de guerre qui, avoue-t-il,
ont malgré elles contribué à lui apprendre à
grandir. Comme le dit en effet Alexandre Najjar dans
son Prologue, la guerre peut parfois être une école
de vie, comme si finalement du mal pouvait toujours
finir par ressortir un peu de bien.
La
brièveté de ce récit peut laisser le lecteur sur
sa faim : récit intime d’une expérience, il
ouvre une foule de questions rendues plus brûlantes
par l’actualité récente du Moyen-Orient. Mais il
faut sans doute lire cet ouvrage avec l’humilité
de son auteur. Nous ne sommes pas ici dans le
narratif, mais dans le témoignage. Nous ne sommes
pas non plus dans la prise de position politique,
mais dans la reconstruction autobiographique. Simple
question de genre qui n’enlève rien à la nécessité
de ce récit tout simple.
Céline
Lavignette-Ammoun
Date
de parution : 1999 aux Editions Balland, réédité
en 2006.
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Le
site de l’auteur : www.najjar.org
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