C'est
le vingtième anniversaire de la mort de sa mère.
Olivier, narrateur de cette triste histoire, passe
la nuit sur le balcon d'une chambre d'hôtel à
Etretat. Face aux falaises, il ressasse ses êtres
perdus auxquels il s'est attaché toute sa vie.
Pourquoi aujourd'hui lui est toujours en vie, même
si parfois il était plus proche d'être "mort
vivant" ?.. Peut-être son amour pour sa femme
Claire et leur petite fille Chloé. Mais à bien y
repenser, sa mère, son frère ou ses petites
copines avaient matière à s'attacher à quelqu'un,
lui en l'occurrence, mais cela ne les a pas empêchés,
les uns et les autres, de lâcher prise et de tout
quitter. Aussi, à partir du souvenir de cette mère
qui se jette depuis les falaises d'Etretat, Olivier
tente de reconstruire ses souvenirs, plus sous forme
de "moments volés, d'irruptions". Car
toute son histoire, finalement, n'est qu'une suite
de polaroïds - des bouts d'enfance, d'adolescence
et d'apprentissage d'une vie trop tôt saccagée.
Alors
que je m'habitue au style écorché d'Olivier
Adam, je suis très touchée par ce roman. Falaises
est semblable et différent du reste, se met-il en
scène dans celui-ci ? J'ai ce sentiment troublant
qui n'a cessé d'enfler. Du moins, l'ambiguïté est
omniprésente et cela trouble la lecture. On s'y
attache différemment, l'œil plus ému de deviner
un puzzle qui se constitue et façonne une existence
mélancolique et ravagée. Beaucoup de disparitions,
de pertes, de larmes et de chagrins qui se noient
dans l'alcool... Aussi, Olivier Adam
réexploite quelques pistes déjà parues dans ses
romans pour la jeunesse : la perte d'un ami au sein
du groupe (la messe anniversaire), Lorette
l'adolescente mal dans sa peau (on ira voir la
mer), et la maman dépressive qui part seule la
nuit caresser les arbres (sous la pluie).
Finalement, ce roman c'est une peau de chagrin - à
la fois dépouillé, transparent mais quelle
tristesse ! Et quand le narrateur affirme "je
n'ai pas d'enfance" et que tout est "logé
ailleurs", le cœur s'emballe et puis je suis
soulagée par l'issue du récit. Toutefois
j'attribue un point en moins pour le chapitre avant
la fin, celui de son passage sous les toits de
Paris. Je n'ai pas trop aimé, ça ne s'explique
pas. Mais au-delà je me suis plongée dans une
lecture désespérante mais attachante, triste mais
belle. L'auteur a ce talent et ça me plaît.
Stéphanie
Verlingue
Extrait
:
"J'ai trente et un ans et ma vie commence. Je
n'ai pas d'enfance et, désormais, n'importe
laquelle me conviendra. Ma mère est morte et tous
les miens s'en sont allés. La vie m'a fait une
table rase où Claire et moi nous nous asseyons, où
Chloé s'est invitée, un sourire très doux au coin
des lèvres.
J'ai tente et un ans et ma vie commence ainsi,
perdue dans la nuit maritime. Derrière moi, à
peine plus concrètes que des ombres, moins denses
qu'un peu de fumée, Claire et Chloé me regardent,
la plus petite au creux des bras de la plus grande,
toutes deux figées dans le silence de la chambre
d'hôtel. Claire me sourit puis se rendort, et leurs
respirations se confondent."
Date de
parution : 26 août 2005
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