Nous
les connaissons tous, les personnages du dernier
roman de Pascale
Gautier. Monsieur Ploute, Madame Gargalo, la
famille du Perron de la Première Marche :
mesdames et messieurs tout-le-monde. Ce sont ces
personnes que nous côtoyons tous les jours, ce
joyeux melting-pot d’hommes et femmes simples et
banals, mais tous empreints de ce dessein secret
d’être unique en ce bas monde…
Nous
sommes à Plaine, et plus précisément à la résidence
des Bégonias, en plein territoire banlieusard. Des
existences variées vont se croiser, s’aimer, se
chercher et se heurter. Et surtout, devant le
cataclysme social qui se prépare, elles vont
lutter. Pascale
Gautier, dès le début de sa fable truculente,
au ton alerte et au langage volontiers surprenant,
installe un terreau tellement réaliste qu’il
devient aisé d’y voir là une discrète et
intelligente dénonciation du tableau social français
actuel. Paranoïa, terrorisme, incommunicabilité,
politique sécuritaire, creuset des classes sociales :
tous ces thèmes entrent à un moment donné du récit
dans la folle cavalcade de ce roman très dynamique,
enlevé, sans véritable temps mort. L’auteur décortique,
de manière tendre ou cynique, les travers de chacun
de ses protagonistes, qui ne sont finalement que le
miroir de nos propres faiblesses. Le tout donne un résultat
décalé et revigorant, constellé d’expressions séduisantes
grâce à une écriture fantaisiste et douce-amère.
Mais
« Fol
Accès de Gaîté » ne va pas au bout de
ses promesses, ou du moins au bout de notre désir.
C’est dans les dernières pages, à l’apogée de
la déliquescence du petit monde de chacun, que
l’auteur choisit l’échappée belle,
l’entourloupe élégante, le final en queue de
poisson qui frustre plus qu’il ne satisfait. Il
apparaît que l’auteur n’a pas vraiment su aller
au bout de sa dénonciation, la réalité fantasque
du récit se transforme dans son épilogue en une
synthèse hâtive et un peu ridicule des situations
- parfois invraisemblables mais le plus souvent
touchantes
- déclinées tout au long de l’ouvrage. On
oubliera donc l’ultime séquence du roman pour
retenir le talent de Pascale
Gautier à installer, dans un contexte sombre et
désespéré, un univers imaginaire pétillant
d’inventivité, dans un style foutraque et
malicieux mais qui reste toujours extrêmement délicat,
pudique. Qu’ils soient idiots ou cruels, barrés
ou indigents, la généreuse Pascale
Gautier aime passionnément ces personnages. Une
folle écriture pour de fols utopistes, bref, de
fols humains…
Jean-François
Lahorgue
Date de
parution : 09/02/2006
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Editions Joelle Losfeld
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