Comme il y a eu un Malade
Imaginaire ou encore des Femmes Savantes,
il y a aujourd’hui sous la plume acérée de Dominique
Souton un gynécologue amoureux. Ou
comment avec un titre (nom + adjectif), on caractérise
le personnage principal d’un roman. Lequel récit
à l’instar des pièces évoquées plus haut
lorgne du côté de la comédie grinçante mâtinée
de farce et d’ironie.
Nous faisons donc connaissance
avec ce médecin dont le cabinet se situe au cœur
d’un ensemble résidentiel qui se veut de grand
standing. Le praticien, homme célibataire d’un
certain âge, tombe sous le charme d’une jolie
patiente – dénommée ici Maria Teresa Paradis,
qui devient au passage l’acronyme MTP - venue le
consulter pour des troubles et autres « manifestations
diverses liées aux variations de ses cycles ».
De cette consultation naît pour le gynécologue une
étude de cas déclinée en soixante-sept chapitres.
D’abord soignée pour ce qui apparaît comme un état
dépressif, MTP suscite maints atermoiements chez le
spécialiste qui ira même jusqu’à convoquer un
symptôme hystérique. Cette patiente affriolante et
inhabituelle par les manifestations de son mal et
les réactions de la médicamentation à base
majoritaire de chlorhydrate de fluoxétine déclenche
chez son thérapeute la conviction qu’il est en présence
d’un cas exceptionnel pour lequel il accumule des
notes et à qui il propose toute une série d’expérimentations
bizarres et variées, comme l’hypnose ou les
fumigations.
La relation entre le gynécologue
et sa patiente préférée ne se cantonne pas au
seul cabinet de celui-ci. Car ces deux-là sont
aussi des voisins et se retrouvent régulièrement
dans des réunions de co-propriétaires accablés
par l’insécurité grandissante et la dégradation
toujours plus avancée et donc plus coûteuse de
leur cadre de vie. Tout cela se joue à coup de
tracts vindicatifs aux mises en page sophistiquées
et d’autres circulaires pleines de furie et
d’admonestations.
En plus d’être un portrait
finement ciselé et d’une drôlerie amicale, Le
gynécologue amoureux est aussi un réquisitoire
satirique contre notre société actuelle, effrayée
de tout, frileuse et repliée sur ses prérogatives
et chasses gardées. Mine de rien, Dominique
Souton sait faire mouche en quelques pages avec
légèreté et en nous divertissant beaucoup. Donc,
une petite centaine de pages au final que l’on
ingurgite d’une traite, pressés de découvrir les
avancements des spéculations de cet étrange spécialiste
et accessoirement l’évolution des relations entre
ces deux-là.
Loin du nombrilisme à la mode
et des ambiances noires et plombées qui parsèment
la plupart des livres de cet automne, il faut au
moins rendre grâce à cet auteur passé par des études
de lettres et de cinéma, devenu journaliste, de
nous proposer un ouvrage empli de finesse à
l’acuité salutaire et sarcastique. Un bon bol
d’air...
Patrick
Braganti
Date de
parution : septembre 2005
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