roman

Ernst-H Gombrich - Histoire de l'art

Phaidon Press - 1046 pages, 19€

[5.0]

 

 

Et si Gombrich était le professeur rêvé ? Celui que l’on n’a jamais vraiment eu : un pédagogue mais pas trop, soucieux de transmettre sans refourguer en douce de sombres opinions, ce qui nous change du Malraux à mèche sybarite par exemple ! Un érudit soucieux de ne pas assommer l’auditoire, un type serein avec la marge d’une science que l’on imagine beaucoup plus vaste mais là ce n’est pas le but on se concentre sur l’essentiel. Et l’essentiel c’est de passer, et pas n’importe quoi, l’histoire de l’art des origines à nos jours ! Vaste programme, Gombrich est un « passeur » à la technique souple et légère, dans le fond le cancre cesse de regarder les nuages qui passent dans un ciel azur et surpris par son propre intérêt écoute le vieux monsieur didactique…

 

Gombrich ne fait jamais son malin, il cherche à être précis et simple ne laissant que faiblement transparaître ses propres goûts. Pour lui l’art est une aventure, une histoire de perpétuelles modifications dans des traditions qui interfèrent entres-elles, chaque œuvre se référant au passé et portant en elle-même son avenir. Une histoire où il n’y a pas d’ « art » mais des artistes... seuls existent les artistes : « des hommes et des femmes auxquels est échu le don d’équilibrer formes et couleurs jusqu’à ce qu’elles sonnent juste, et qui ne se satisfont pas de demi solutions, d’effets superficiels ou faciles. » La justesse de l’artiste étant toujours dans son mouvement propre et non dans une quelconque confrontation avec un monde qui s’il varie suivant les époques n’est finalement qu’un monde et rien de plus.

 

Pour Gombrich chaque génération est en révolte contre les critères de la génération précédente ; chaque œuvre d’art touche ses contemporains par ce qu’elle ne veut pas être autant que par ce qu’elle veut être. La notion de progrès en art lui paraît aléatoire . Le fil qui relie le peintre égyptien aux impressionnistes en passant par la renaissance n’est pas celui du progrès, les buts de ces artistes variant selon leurs civilisations respectives, ils peuvent être comparés mais il n’est pas évident que les plus novateurs soient ceux que l’on suppose…. Des « prières » de la renaissance à l’irruption soudaine du moi quand les commandes disparaissent petit à petit (en gros l’impressionnisme) ce qui forme l’art ou plutôt fait les artistes ne se compare pas suivant les époques mais dans la trace de ce qui se dépelotonne entre les époques, il y a de la modernité chez les Egyptiens dans leurs peintures purement fonctionnelles, répondant à des normes strictes, il y a du primitif dans l’art moderne… beaucoup.

 

Mais voilà que je m ‘égare, pour ceux qui ne possèdent pas ce livre sachez qu’il vient d’être réédité chez Phaidon en poche avec une jolie couverture pistache qui sent très bon, précipitez-vous chez le marchand de bien culturels calligraphiés le plus proche de chez vous ! Suivant l’état de vos finances achetez ou dérobez ce volume indispensable ! De toutes les façons il devrait être remboursé par la sécurité sociale ! Nous le classerons dans notre bibliothèque non loin de ce bon vieux Elie Faure et non loin du docte André Chastel, d’ailleurs de ce dernier lire : l’ « Art Italien » chez Flammarion, un must mais plus délicat à chaparder, question de format. 

 

Philippe Louche

 

Date de parution : octobre 2006