Et
si Gombrich était le professeur rêvé
? Celui que l’on n’a jamais vraiment eu : un pédagogue
mais pas trop, soucieux de transmettre sans
refourguer en douce de sombres opinions, ce qui nous
change du Malraux à mèche
sybarite par exemple ! Un érudit soucieux de ne pas
assommer l’auditoire, un type serein avec la marge
d’une science que l’on imagine beaucoup plus
vaste mais là ce n’est pas le but on se concentre
sur l’essentiel. Et l’essentiel c’est de
passer, et pas n’importe quoi, l’histoire de
l’art des origines à nos jours ! Vaste programme,
Gombrich est un « passeur » à la technique souple
et légère, dans le fond le cancre cesse de
regarder les nuages qui passent dans un ciel azur et
surpris par son propre intérêt écoute le vieux
monsieur didactique…
Gombrich
ne fait jamais son malin, il cherche à être précis
et simple ne laissant que faiblement transparaître
ses propres goûts. Pour lui l’art est une
aventure, une histoire de perpétuelles
modifications dans des traditions qui interfèrent
entres-elles, chaque œuvre se référant au passé
et portant en elle-même son avenir. Une histoire où
il n’y a pas d’ « art » mais des artistes...
seuls existent les artistes : « des hommes et
des femmes auxquels est échu le don d’équilibrer
formes et couleurs jusqu’à ce qu’elles sonnent
juste, et qui ne se satisfont pas de demi solutions,
d’effets superficiels ou faciles. » La
justesse de l’artiste étant toujours dans son
mouvement propre et non dans une quelconque
confrontation avec un monde qui s’il varie suivant
les époques n’est finalement qu’un monde et
rien de plus.
Pour
Gombrich chaque génération est en révolte contre
les critères de la génération précédente ;
chaque œuvre d’art touche ses contemporains par
ce qu’elle ne veut pas être autant que par ce
qu’elle veut être. La notion de progrès en art
lui paraît aléatoire . Le fil qui relie le peintre
égyptien aux impressionnistes en passant par la
renaissance n’est pas celui du progrès, les buts
de ces artistes variant selon leurs civilisations
respectives, ils peuvent être comparés mais il
n’est pas évident que les plus novateurs soient
ceux que l’on suppose…. Des « prières » de la
renaissance à l’irruption soudaine du moi quand
les commandes disparaissent petit à petit (en gros
l’impressionnisme) ce qui forme l’art ou plutôt
fait les artistes ne se compare pas suivant les époques
mais dans la trace de ce qui se dépelotonne entre
les époques, il y a de la modernité chez les
Egyptiens dans leurs peintures purement
fonctionnelles, répondant à des normes strictes,
il y a du primitif dans l’art moderne… beaucoup.
Mais voilà que je m ‘égare, pour ceux qui ne
possèdent pas ce livre sachez qu’il vient d’être
réédité chez Phaidon en poche avec une jolie
couverture pistache qui sent très bon, précipitez-vous
chez le marchand de bien culturels calligraphiés le
plus proche de chez vous ! Suivant l’état de vos
finances achetez ou dérobez ce volume indispensable
! De toutes les façons il devrait être remboursé
par la sécurité sociale ! Nous le classerons dans
notre bibliothèque non loin de ce bon vieux Elie
Faure et non loin du docte André
Chastel, d’ailleurs de ce dernier lire : l’
« Art Italien » chez Flammarion, un must mais
plus délicat à chaparder, question de format.
Philippe
Louche
Date
de parution : octobre 2006
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