Esther
Greenwood a dix-neuf ans, elle est très
intelligente, réussit tout ce qu'elle entreprend et
débarque un mois à New York avec onze autres
jeunes filles en tant que rédactrice invitée par
un magazine. Cette expérience devient vite un
tourbillon de dîners, défilés et autres
invitations des plus fantasques et futiles dans
lequel Esther va très vite perdre pied. D'elle-même
elle va se mettre en retrait de cette effervescence,
porter un regard critique et cynique sur la vie
alentour et sur elle-même. Lorsqu'elle rentrera
finir l'été chez elle, Esther va s'enfoncer dans
ce sentiment d'inutilité et d'oppression, indéfinissable
et incompréhensible pour sa mère ou les médecins.
Enfermée dans des hôpitaux ou des asiles, Esther
va tenter de guérir de ce mal inqualifiable qu'est
la dépression nerveuse.
Le récit est planté dans les
années 50 où l'Amérique, assez puritaine et
protectionniste, blâme sévèrement les jeunes
filles en perdition. La voie dictée par la société
est de parfaire une éducation basique pour
finalement se combler dans la vie maritale, les
enfants, le ménage, etc... Mais Esther est profondément
convaincue de ne jamais se marier, elle se sent poète
dans l'âme, et son histoire platonique avec Buddy
Willard, le fils de la meilleure amie de sa mère,
étudiant en médecin, beau et charmeur, va conduire
la jeune fille à la déconfiture. L'esprit de pureté
à cultiver, bafoué par les hommes qui conçoivent
qu'un minimum d'expérience tend à être acquis
avant le mariage, va être mûrement réfléchi par
Esther, encore vierge et fière de le défendre.
Et si tout n'était qu'un poids pour elle ?.. Qu'une
cloche de verre qui l'étouffe et l'empêche de
respirer, d'être elle-même et de vivre pleinement,
sereinement ? ! Esther va plonger dans la mélancolie,
va tenter de se suicider, va subir des séances d'électro-chocs,
va couler dans un marasme duquel elle pensera ne
jamais guérir. Mais tout espoir semble permis, même
si la fin se termine en demi-teinte...
C'est étrange que l'auteur n'ait
pu tirer parti des leçons enseignées à son héroïne
pour se sortir de son mal de vivre. Un mois après
la parution de son roman, Sylvia Plath
se suicidait, prisonnière de ses propres démons. La
cloche de détresse est LE roman d'une époque,
d'une condition féminine qui peine à éclore, d'un
processus de démence avant d'être diagnostiqué dépression
nerveuse. L'histoire révèle les hauts et les bas,
la lente descente aux enfers, le pourquoi, le
comment. C'est loin d'être glauque malgré le
sujet, car Sylvia Plath possédait
un talent extraordinaire ! Un sens poétique pour
tourner ses phrases, une logique et un soin
scrupuleux dans la construction de son récit,
lequel combine à merveille les propres événements
personnels à de la fiction. Sylvia Plath
portait en elle cette jeune Esther Greenwood depuis
de nombreuses années lorsqu'elle s'est enfin décidée
à écrire son premier roman. Mais elle a préféré
donner des ailes à son personnage plutôt qu'à
elle-même, quel dommage !
Stéphanie
Verlingue
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